SUR LA ROUTE NAPOLÉON
Avril 2019
La Route Napoléon qui relie Golfe-Juan à Grenoble est une route mythique des Alpes où le tourisme rencontre l'Histoire. Sur les traces de Napoléon, elle correspond au chemin emprunté par Napoléon lors de son retour d’exil, bien décidé à reconquérir son trône à Paris. Il débarque à Golfe Juan et emprunte les sentiers muletiers pour rejoindre les Alpes par la vallée de la Durance.
Les étapes de NAPOLEON du 1er au 7 mars 1815
« My God, mein Gott… Ça y est, on s’en est enfin débarrassé ! » se sont à peu près dit les alliés britanniques, germaniques et russes en 1814, une fois qu’ils eurent envoyé Napoléon Ier sur l’île d’Elbe, désormais son seul empire, situé entre Corse et Toscane. Tu parles ! Un an plus tard, l’ex-petit caporal revenait en France. Le 1er mars 1815 à 15 h, il pose le pied sur le sable de Golfe-Juan en compagnie d’environ 1 200 hommes. Son objectif est simple : remonter le plus vite possible à Paris pour s’asseoir de nouveau sur le trône.
Problème : les grandes villes de la région sont a priori fidèles au roi Louis XVIII. Il va falloir les éviter en empruntant des chemins de montagne. Ce périple est entré dans l’histoire comme le « vol de l’Aigle ». Une bonne partie de sa route (324 km) sera constituée de sentiers muletiers. Ils sont à présent goudronnés et forment la « route Napoléon », créée en 1932 par des élus cherchant à valoriser leur patrimoine touristique. Elle suit pour une bonne part le tracé de la RN85 ; celle-ci est actuellement déclassée sur quelques portions, notamment en D6085 (Alpes-Maritimes), D4085 (Alpes-de-Haute-Provence), D1085 (Isère).
Quand le tourisme rejoint l'histoire...
L'ÎLE D'ELBE ET LA PROVENCE
PORTO-FERRAJO - LE DEPART - LE DIMANCHE 26 FEVRIER 1815
Sept heures sonnent. Napoléon embrasse une dernière fois sa mère, et descend vers le port dans une petite voiture qui va au pas…
…le mercredi 1er mars, au point du jour, la flottille est à la hauteur du Cap d'Antibes. Napoléon apparaît sur le pont une cocarde tricolore au chapeau
« Du 26 février au 7 mars 1815, de l’île d’Elbe à Grenoble, 9 jours qui auraient pu changer la face du monde »
VALLAURIS - LE DEBARQUEMENT DANS LE GOLFE-JOUAN - MERCREDI 1er MARS
Un détachement de vingt grenadiers avec le capitaine Lamouret débarque dans un canot pour s'assurer de la batterie de la Gabelle que Napoléon sait se trouver près de la plage. La batterie était désarmée. Les grenadiers se mettent en position sur la route de Cannes sur les hauteurs voisines de la tour de la Gabelle. Drouot, débarqué peu après Lamouret, expédie un autre capitaine en civil vers Antibes porteur de proclamations.
Prévenu, le colonel Cunéo d'Ornano, commandant la place (ses supérieurs le général Corsin et le général Paulin sont
absents, en inspection aux Îles de Lérins) lit les proclamations et arrête le capitaine quand on l'avertit qu'un détachement de grenadiers de I ‘île d'Elbe se présente à la Porte Royale. Ce sont
les hommes de Lamouret qui outrepassant ses instructions avait projeté de soulever la garnison. Il accourt, les laisses entrées après avoir parlementé avec Lamouret, mais à peine ont-ils franchi
l'enceinte qu'il fait lever le pont-levis. Le détachement se retrouve prisonnier !
Il est à noter que ce sera le seul échec et que Napoléon le doit non seulement à un compatriote corse, mais qui plus est, à un parent, allié à la famille par Isabelle Bonaparte. Arrivé aux
Tuileries, l'Empereur fera appeler Cunéo d'Ornano, et loin de le blâmer, il le nommera général au poste de commandant de la place de Valence...
Pendant cette équipée, la petite armée impériale effectue son débarquement. Au fur et à mesure que la troupe débarque, les hommes établissent un bivouac dans une oliveraie entre la mer et la route de Cannes à Antibes. Il reste à débarquer le trésor, les bagages, les canons et les chevaux. Un témoin oculaire, le capitaine Gazan en demi-solde à 23 ans, se trouve sur les lieux ce soir-là. Il a raconté la scène à Paul Sénéquier : «La soirée était splendide, l'air calme, la mer tranquille et le ciel, reflétant les derniers rayons du crépuscule, commençaient à donner au lointain ce vague vaporeux qui précède nos belles soirées de printemps.»
Napoléon quitte le brick l'un des derniers, et touchant le sol de la Patrie s'écrie: «Salut, France ! Terre des Braves ! » et va s'asseoir sur son fauteuil de campagne, près des feux allumés par les soldats, non loin de la bastide de Jérôme Jourdan. Madame Jourdan attend un heureux événement, et Napoléon lui promet d'être le parrain si c'est un garçon et qu'il rentre dans la garde, nous raconte Hector Acrome. Il y a encore des descendants de Jourdan à Antibes.
Le général Cambronne est dépêché à Cannes avec une compagnie de cent chasseurs et grenadiers : « Cambronne, je vous confie l'avant-garde de ma plus belle campagne ! Vous ne tirerez pas un seul coup de fusil. Je veux reprendre ma couronne sans verser une goutte de sang ! »
Le général Drouot place des sentinelles et des postes de garde le long de la route. Il faut faire vite. Des voitures sont arrêtées et on achète quelques
chevaux. Le capitaine Alexis Gazan refuse de vendre sa jument qui ne lui appartient pas. Après être resté assis quelques instants près du feu, Napoléon vient sur la route, à l'auberge Jacquemin,
parle avec des passants et des paysans accourus en curieux. Deux soldats, en garnison à Antibes ont déserté et les rejoignent. On apprend ainsi que Lamouret et ses grenadiers sont retenus
prisonniers. Napoléon envoie le capitaine Casabianca et un officier de santé nommé Muraour à Antibes pour les réclamer. Ils se feront arrêter, mais, l'Empereur refuse de prendre Antibes d'assaut:
«Le temps est trop précieux. Le meilleur moyen de remédier au mauvais effet de l'affaire d'Antibes, c'est de marcher plus vite
que la nouvelle ! Si la moitié de mes soldats se trouvaient prisonniers, je les laisserais de même. S'ils y étaient tous, je marcherais seul.»
Le piqueur Saint Denis, qui se fait appeler Ali, raconte dans ses mémoires :
«Il était déjà tard lorsque l’Empereur, sentant le besoin de se reposer, s'enveloppa le corps d'un couvrepied, d'un tricot de
laine, s'assit dans son fauteuil pliant, les jambes allongées sur une chaise, et couvert de son manteau. Il chercha à dormir quelques heures. Jusqu'au moment fixé pour le départ, il resta dans la
même position.»
Vers minuit, les hommes, ayant nettoyé leurs armes, mangé la soupe, et reçu leur solde pour quinze jours, la colonne est formée et gagne Cannes par un
magnifique clair de lune. Napoléon chevauchant son cheval le Tauris, passe les
troupes en revue. A cet emplacement, il y a une colonne surmontée d'un buste (non de Napoléon, mais de Bonaparte), buste offert par M. et Mme Pardée. Quant au cheval, un beau persan gris pommelé,
il est enterré au lieu-dit Le Cimetière aux chevaux
dans le domaine de Brazeux, propriété du baron de Montaran à qui Napoléon avait confié ce cheval, le 29 juin 1815.
Le 28 juillet 1838, Châteaubriand, qui évoquera: «l'invasion d'un pays par un seul homme» écrit à Madame Récamier: «J'ai quitté Marseille pour venir voir le lieu où Bonaparte, en
débarquant, a changé la face du monde. Jacquemin, potier et aubergiste, me mena à la mer, entre les oliviers sous lesquels Bonaparte avait bivouaqué. Jacquemin lui-même l'avait reçu et me
conduisait. Parvenu à la grève, je vis une mer calme que ne ridait pas le plus petit souffle. Il y avait dans le golfe qu'une seule barque à l'ancre et deux bateaux : à gauche, on apercevait le
phare d'Antibes, à droite, les îles de Lérins. Les Îles de Lérins reçurent autrefois quelques Chrétiens fuyant les barbares, St Honorat monta sur un palmier, fit le signe de la croix, tous les
serpents expirèrent et la nouvelle civilisation naquit dans l'Occident. Quatorze cents ans après, Bonaparte vint terminer cette civilisation où le saint l'avait commencée. Du silence du
Golfe-Jouan, de la paix des îles aux anciens anachorètes sortit le bruit de Waterloo, qui traversa l'Atlantique et vint expirer à St Hélène...»
Victor Hugo vint, lui aussi, un an après en 1839 : «Le Golfe-Jouan est une petite baie mélancolique et charmante, abritée à
l'Est par le Cap-d ‘Antibes dont le phare et la vieille église font une assez belle masse à l'horizon, à l'Ouest par le cap de la Croisette. Un demi-cercle de hautes croupes vertes entoure le
Golf et le ferme aux vents de la terre. Vis-à-vis du petit chemin au bord de la tour de Cannes, il y a deux mûriers. C'est entre ces deux mûriers que l'Empereur se plaça pour passer en revue le
bataillon qui sera dans l'histoire aussi grand que la Grande Armée. Puis il se dirigea vers l'Ouest, passa près de cette vieille batterie basse que je viens de voir, traversa des torrents que je
viens de traverser. A quelque distance des vieux mûriers, on a bâti un cabaret à l'enseigne «Au débarquement de l'empereur» A
quoi pensait Napoléon ? Lui qu'attendait cette prison appelée Ste Hélène laissa derrière lui cette autre prison appelée Ste Marguerite. Peut-être se retourna-t-il un moment pour donner une pensée
au Masque de fer, mais, trop occupé des mystères de l'avenir pour songer à ceux du passé, il continua sa marche et se plongea hardiment dans l'inconnu. Pendant deux heures, j'ai marché sur le
sable où cet homme a marché il y a 24 ans, je me suis mouillé les pieds dans ce flot où est tombée sa rêverie pleine d'anxiété. J'ai quitté cette solitude comme le jour baissait et j'ai continué
ma route vers Antibes. En sortant des collines qui bordent le Golfe-Jouan, j'ai enfin rencontré une figure humaine. C'était une vieille femme qui faisait sécher du linge sur un
aloès.»
Il est à remarquer que le débarquement s'est effectué au grand jour, les navires ancrés depuis le matin, au vu et au su de tous. On peut voir en relisant ces lettres que, alors que les troupes
n'ont pas fini leur manœuvre, la sous-préfecture de Grasse sera déjà informée par la mairie d'Antibes. Mais que faire? Rien ne sera fait par manque de moyens, ou par laxisme, ou par stupéfaction
devant l'événement. En fait, il est urgent de ne rien faire. «Je n'ai rien fait... Mais, j'ai rendu compte !... » Tel va être le raisonnement des maires, sous-préfets, préfets et autres chefs de corps de gendarmerie, tout au long de cette campagne qui se veut pacifique.
Chacun souhaite l'échec de l'entreprise, mais personne ne veut le provoquer. C'est ce qu'avait d'ailleurs prévu Napoléon, en fin stratège... Il est à remarquer également que pour avoir habité la
région 20 ans auparavant, Napoléon sait très bien où il débarque, et n'oublions pas qu'en 1815, la France finit à Antibes, et au-delà, après le Var c'est le royaume de Sardaigne...
Enfin, il faut souligner que la marche se fera toujours d'une façon toute réglementaire. Le général Drouot, de Nancy, et ce sera une constante, reste en arrière-garde avec un détachement. Le
général Cambronne, de Nantes, en avant-garde ouvre la route avec pratiquement une demi-journée d'avance sur le bataillon, et une journée entière sur l'arrière-garde. Pierre Cambronne trouve les
rations, c'est à dire la nourriture, donc du pain qu'il faut cuire spécialement pour environ 1.000 bouches à nourrir ! On ne sait pas exactement le nombre: officiellement 607 grenadiers et
chasseurs, 118 chevau-légers polonais, 21 marins de la garde, 43 canonniers, 400 chasseurs corses et 30 officiers sans troupes venus à Porto Ferrajo demander du service. A cela il faut retrancher
30 grenadiers en congé, des déserteurs chez les Corses qui n'étaient d'ailleurs jamais 400 présents sous les armes et les hommes de Lamouret prisonniers à Antibes. Enfin, il paraît qu'un certain
nombre de canonniers sont restés à Porto-Ferrajo, et que l'adjudant du génie Monier a été oublié sur l'îlot de Pianosa : aux archives de la guerre c'est le chiffre de 1.000, annoncé par M. de
Bouthillier, préfet du Var, qui a été retenu. D'ailleurs Cambronne ne cessera de gonfler les effectifs pour faire croire à une armée plus importante, il réclamera de 2 à 3.000 rations ! Rappelons
aussi que le gros de la troupe est composé de grenadiers ayant effectué les grandes campagnes, tous volontaires et très aguerris.
Pour suivre, il y a le bataillon proprement dit. A l'intérieur marche Napoléon parfois à pied, parfois à cheval, devant avec la troupe, ou alors parmi ses officiers sans troupes. On marche à pied
d'abord. A Golfe-Juan, on réquisitionne une berline pour Guillaume Peyrusse, le trésor et les bagages. Encore une constante, on achète des chevaux, des mules et même des ânes dès qu'on en trouve,
c'est qu'il faut remonter les cavaliers et surtout les Polonais qui marchent en portant leur selle sur le dos, pas très pratique en montagne.
Les chaussures sont du modèle courant, c'est à dire uni pied, gauche et droit identiques. Trois tailles : petite, moyenne et grande taille de longueurs internes de 240 mm, 270 mm et 300mm. Il
existe une pointure au-dessus de la grande taille, et une autre au-dessous de la petite taille, mais seulement 3 paires par 100 paires ! C'est un soulier bas, bout carré, fermé par un laçage fait
d'une lanière de cuir. Un seul trou, pas d'œillet. Le tout est en peau de vache corroyée en huile et employée la chair au dehors. L'empeigne et le quartier noircis et cirés au suif. La chaussure
réglementaire pèse 611 grammes. Le manuel d'infanterie 1808 est précis. C'est important pour des hommes qui feront des milliers de km. Le capitaine Coignet cite ce dicton: «une paire de chaussures s'use de Paris à Poitiers ». Le havresac pèse environ 30 kg.
L'arrière-garde marche une journée en arrière de l'avant-garde. Comme une journée de marche est en moyenne de 10 lieues, environ 40 kms, le général Drouot qui commande l'arrière-garde ne verra
pratiquement pas le général Cambronne avant Grenoble. Des estafettes à cheval font la liaison. Drouot est chargé d'assurer la sécurité, et surtout de récupérer les traînards. Il est à noter
qu'une trentaine de soldats malades ou épuisés trouveront refuge dans les hospices échelonnés le long du parcours.
Le Vol de l'Aigle, volant de clocher en clocher, jusqu'aux tours de Notre-Dame se poursuivra par Lyon, Mâcon, Châlons-sur-Saône, Autun, Auxerre et enfin Paris où Napoléon retrouve le trône que vient d'abandonner Louis XVIII en fuite vers Gand. Ce seront les Cents-Jours, Waterloo, la Seconde Abdication, enfin le départ vers Rochefort, puis Plymouth et I ‘île de Ste Hélène...
Evidemment, Napoléon n'a jamais pris la Route Napoléon, puisque la route n'existait pas lorsqu'il a débarqué à Vallauris, dans le Golfe-Juan, le 1er mars 1815. C'est la Nationale 85 qui a pris le nom de l'Empereur pour devenir la première route touristique à caractère historique.
Si elle ne suit pas exactement les chemins de l'époque dont beaucoup ont d'ailleurs disparu, la Route Napoléon donne une bonne idée du périple effectué en 1815 par l'Empereur allant de Vallauris à Grenoble, par Grasse, Digne, Sisteron, Gap, et Corps. Ce qui totalise plus de 300 kilomètres, à pied le plus souvent, en une semaine. Un exploit ...
Mardi 16 avril 2019
GOLFE-JUAN
Plus d’une heure pour trouver une place de parking, des gendarmes sont
en train de verbaliser, nous leur posons la question : « où peut t’on stationner », réponse : « très difficile de trouver une place, et vous savez les gens d’ici ne sont
pas très patients », on l’avait bien compris déjà en tournant dans les rues étroite de Golfe-Juan...
On trouve enfin, le long d’un trottoir, Avenue (moi je la qualifierai de petite rue...) de la Palmeraie.
Et là commence notre périple du retour par la route Napoléon.
La rade n’était qu’un mouillage naturel avec quelques cabanes de pêcheurs et des hangars à poterie où marchands, négociants, muletiers se bousculaient. C’est le 1er mars 1815 que Golfe-Juan entre dans l’histoire. Ce jour-là de retour de l’île d’Elbe, Napoléon débarquait.
Une stèle en mosaïque indique sur le quai l'endroit du débarquement, et la colonne Napoléon érigée à l'endroit où se trouvait l'olivier sous lequel Napoléon fît une halte après son débarquement.
CANNES - LE BIVOUAC - MERCREDI 1er MARS
Le général Cambronne, avec son avant-garde et Pons de l'Hérault, se présentent à Cannes vers trois heures, et s'annoncent comme venant de débarquer de I'île d'Elbe pour rentrer en France avec des
congédiés et des malades. Cambronne réquisitionne tous les chevaux de poste sous prétexte qu'il en a besoin pour ses malades. Pendant ce temps, André Pons à la mairie essaie d'obtenir un
passeport pour aller à Toulon et à Marseille afin de rallier Masséna commandant la région militaire.
A Cannes, on avait d'abord cru à un débarquement de corsaires algériens. L'arrivée de l'avant-garde dissipe les craintes et la foule se presse autour des grenadiers. Le rapport du maire de
Cannes, Augustin Poulie, nous dit que Cambronne fait une réquisition pour 12 voitures à 4 colliers dont il exige le récépissé. «Sur environ les 7 heures et demie, il revint faire une
autre réquisition pour 3.000 rations de pain et de viandes, prêtes à distribuer à minuit précise, dont il exigea aussi le récépissé. Je fis de suite appeler les bouchers et boulangers, je leur
intimai l'ordre de pourvoir: les bouchers dirent que les marchands piémontais étaient arrivés avec des boeufs, qu'il en faudrait trois pour les fournitures. Je leur ordonnais d'en faire le marché
et de les égorger de suite, ce qui fut exécuté. J'intimai le même ordre aux boulangers, je nommai douze commis pour faire prendre tout le pain. MM. les adjoints marchaient avec eux. A 11 heures,
il y eut 1.700 rations de pain dans le magasin que j'avais assigné. Pour le restant, les commis s'étant divisés dans les quartiers, se portèrent chez les habitants qui se prêtèrent avec bonne
grâce. A 1 heure les rations furent à peu près complétées. Dans l'intervalle, vers les 8 heures et demie, un officier vint me présenter une proclamation signée Napoléon avec ordre de lui donner
publicité... Vers les deux heures, on vient m'annoncer l'arrivée de Bonaparte qui établit son bivouac sur les sables hors la ville, près de Notre-Dame, où il fit allumer un grand feu qui fut
entouré par la troupe et de beaucoup de gens de la ville. Il ne parla à personne, excepté à Mgr le prince de Monaco qui était arrivé la veille vers les cinq heures. Le général Cambronne l'avait
consigné dans son appartement avec un piquet, sous la garde d'un caporal. Le prince fut appelé par Napoléon... »
Le prince de Monaco qui avait jusque-là refusé de croire à la présence de l'Empereur, témoigne d'un grand étonnement.
- Venez-vous avec nous, Monaco ?
» demande l'empereur en riant.
- Mais, Sire je vais chez
moi.
- Et moi aussi ! répond Napoléon.
- Je m'en vais me retourner, car votre
armée sera plusieurs jours à passer. Peut-être même mon voyage à Monaco est-il inutile et avez-vous déjà fait occuper cette ville ?
- Mais que croyez-vous donc ?
- Mais je suppose que votre armée est de 25 à 30.000 hommes et que vous avez eu le secours des Anglais et des Autrichiens.
- Je suis surpris de votre opinion, vous
qui avez servi sous mes ordres, croyez-vous que je vienne souiller le sol de la patrie avec des troupes étrangères ? Dans une heure vous pourrez continuer votre route, car mon armée consiste dans
ce bivouac.
- Mais que prétendez-vous avec si peu de troupes ?
- Etre sur mon trône avant la fin du mois !
L'Empereur prend à part le prince et cause une demi-heure avec lui, demandant des nouvelles de différentes personnes, hommes et femmes, de la cour. Ensuite il donne des instructions au général
Cambronne, qui prend les devants avec 100 grenadiers et 4 chevau-Iégers, pour former l'avant-garde, avec ordre de préparer des vivres à Grasse.
Malgré l'ordre de ne laisser partir personne de Cannes, un gendarme s'échappe au galop vers Fréjus pour prévenir le Préfet du Var, M. de Bouthillier. Heureusement pour les Elbois, ce gendarme
ayant remarqué que les 4 canons étaient placés sur la route de l'Estérel, donne comme indication que l'expédition se dirige sur Marseille où commande le maréchal Masséna ancien compagnon de
Bonaparte.
Le 25 mai 1815, le beau-frère de Napoléon, Joachim Murat, qui vient d'être dépossédé de son royaume de Naples, débarquera au même endroit.
Nous traversons CANNES par la Croisette. Nous ne tenterons même pas de nous arrêter pour visiter la ville. Simplement un court arrêt à la sortie pour déjeuner le long de la plage où d’immenses places de parking ne sont pas occupées, mais avec des panneaux « interdit aux camping-cars ». Un agent motorisé ne tarde pas à nous déloger.
Quel plaisir la Côte d’Azur en CC, je n’ose même pas imaginer des vacances ici, en haute-saison... de toutes les façons, cela ne nous tente même pas....
Nous nous écartons de la RN 85 pour la reprendre vers MOUGINS
CANNES - GRASSE - SERANON - JEUDI 2 MARS
A Grasse, le bruit d'une descente de corsaires s'était répandu comme à Cannes. Mais bientôt le maire, le marquis Lombard de Gourdon, est renseigné du débarquement de Napoléon par une estafette venue d'Antibes. Il réunit dans la nuit le conseil municipal et fait appeler le général Honoré Gazan qui, depuis peu en demi-solde, s'est retiré dans sa ville natale. Gazan, général de division, un des héros d'Iéna, la veille à dix heures du soir avait expédié une dépêche au maréchal Soult ministre du roi, pour lui apprendre la nouvelle du débarquement. A la mairie de Grasse, on parle d'armer la population et de former une centaine de partisans qui, en supposant qu'il prenne la route de l'Estérel, iraient s'opposer au passage de l'usurpateur ou, s'il voulait marcher sur Grasse, résisteraient depuis les remparts. Gazan demande l'état de l'armement pour résister : le maire répond qu'on a trente fusils dont cinq en état de marche et pas une seule cartouche. Honoré Gazan conseille donc à ce grand guerrier de se tenir tranquille, et lui-même trouve quelque chose d'urgent à faire dans sa maison de campagne à Mougins.
Le général Cambronne avec son avant-garde arrive à Grasse entre 6 et 7 heures. On se met aux fenêtres et bientôt quinze cents personnes sont réunies sur le Cours et
sur la place du Clavecin où était dressée la guillotine pendant la Révolution. Le maire Lombard de Gourdon lui demande au nom de quel souverain il fait ses réquisitions. Cambronne lui répond:
«Au nom de l'Empereur Napoléon !»
- «Nous avons notre roi et nous l'aimons.»
- «Monsieur le maire, je ne viens pas pour faire
de la politique avec vous, mais pour demander des rations parce que ma colonne sera ici dans un instant.»
Bon gré, mal gré, le maire s'exécute.
«Rien, pourtant, dira plus tard Cambronne devant le conseil de
guerre, n'était plus facile que de me tuer, seul au milieu de la population. Il ne suffit pas de dire: j'aime
le roi, il faut le montrer.»
Apprenant que le général Gazan est à Grasse, Cambronne se rend chez son divisionnaire, rue Neuve (aujourd'hui rue Gazan), tambourinant à la porte. La cuisinière passe la tête par la fenêtre et
lui dit :
- Le général est parti dans sa campagne !
- Dis-y que c'est un jean-foutre !
Et il ajoute le mot de Cambronne si célèbre.
Cambronne, suivant les ordres, cherche ensuite, rue de l'Oratoire, l'imprimeur Dufort, pour faire imprimer les proclamations afin de les répandre plus facilement. Il passe devant la maison de
Guidai, général resté républicain, et qui a fait partie de la conjuration de Malet en octobre 1812 avec le général Lahorie, le parrain de Victor Hugo (son vrai père dit-on). Les conjurés ont mis
à mal le pouvoir durant toute une matinée, déclarant que l'Empereur est mort durant la campagne de Russie. Le gouvernement à Paris, se laisse berner, prêt à accepter un gouvernement provisoire,
sans penser que l'Empire est héréditaire, qu'il y a le fils Napoléon II et une régente sa mère. «Ah ! Celui-là on n'y pense jamais !
» Rentrant de Moscou, Napoléon est à peine étonné de voir son pouvoir si fragile.
Pour l'instant, Napoléon, encore à Cannes, est constamment tenu au courant par les estafettes de liaison, les lanciers polonais en l'occurrence. Rassuré sur la marche, l'Empereur fait lever le
camp. Partant du bivouac, ils prennent l'actuelle rue maréchal Joffre, et le carrefour Carnot. L'authentique route Cannes - Grasse de l'époque
s'écarte peu de la RN 85 entre Rocheville et Mougins, passant comme maintenant par le Val de Mougins et
Tournamy.
MOUANS-SARTOUX
A mi-chemin entre Cannes et Grasse, entre mer et parfum, une ville « labélisée 3 fleurs » avec un château du XVIe siècle et son parc aux arbres millénaires, les couleurs typiquement provençales de ses façades anciennes, en font une ville très agréable.
Plaque commémorative : « Ici Napoléon fit une halte en 1815 ».
La troupe s'arrête à Mouans-sartoux, sur la place de la mairie, en attendant les nouvelles de Cambronne parvenu à Grasse. A Cannes, Napoléon avait pris un guide qui avait servi au siège de Toulon et à l'Armée d'Italie. Ce guide rusé et très madré, lui donne toute espèce de renseignements sur les hommes et l'esprit public. Il lui apprend que le maire et la municipalité sont mal intentionnés, mais «le peuple est bon, et que si l'Empereur faisait un signal, le peuple se lèverait et égorgerait la douzaine d'aristocrates qui dominent la ville...».
Cambronne et ses 100 grenadiers d'avant-garde s'organisent place de la Foux à Grasse où ils forment les faisceaux. La place de la Foux se trouve en dehors de la ville, sous les remparts qui, à cette époque enferment la ville. C'est une sous-préfecture de 12.000 habitants ce qui est important en 1815. C'est en fait la première vraie ville que les Elbois rencontrent depuis si longtemps ! ...Sur la place de la Foux a été construit en 1767, un grand lavoir en forme de U, au milieu d'une aire plate et gazonnée, lavoir qui servait à laver le linge, mais aussi à abreuver les bêtes. En été on s'y baignait. C'est une aubaine pour nos soldats !
Bivouac sur le parking du tennis, chemin de la Chapelle à MOUANS-SARTOUX.
Mercredi 17 avril 2019
GRASSE
Les camping-cars sont vraiment indésirables sur la côte... très peu d’aires de service et partout on se fait jeter. On prendra donc la route de Saint-Vallier et laissant GRASSE derrière nous, tant pis pour Napoléon...
Napoléon, à cheval au milieu de son bataillon avance sur Grasse par la montée Sainte Lorette. Il connaît bien cette ville, il y venait souvent du temps du Château Salé, à Antibes, en 1794, du temps de son amitié avec l'ancien maire de Grasse, le conventionnel Ricord, et surtout avec Mme Ricord avec qui il vécut une idylle... Sa soeur Pauline est la marraine d'un des enfants du sous-préfet M. Bain.
Il est environ 10 heures quand il contourne la ville par le Jeu de Ballon qui longe les remparts et qui deviendra le boulevard du même nom. Les grognards de l'avant garde font
«par la droite, dégagez les faisceaux ! », et quittent le lavoir de la Foux pour laisser place aux arrivants. Ils montent par le
Chemin des Carrières au plateau Roquevignon. En l'an X (1802) le premier consul Bonaparte avait ordonné de rendre praticable pour les voitures le chemin de Grasse à Sisteron, marqué sur la carte
de Cassini. Ses instructions n'ont pas été exécutées; la route a été commencée à l'autre bout à partir de Sisteron jusqu'à Digne. Pendant l'Empire et toute la Restauration, Castellane ne figure
pas comme relais dans le livre de Postes et des Itinéraires. Il croyait cette route faite. Effectivement, elle a été tracée, mais non achevée. L'avenue Thiers, la route pour aller à Nice,
n'existait pas à l'époque, donc, faute de route carrossable, il faut abandonner sur la place de la Foux les 4 canons, la berline de voyage réquisitionnée à Golfe-Jouan, et les voitures achetées à
Cannes. Napoléon les fait remettre à la municipalité, en recommandant bien de les envoyer à l'arsenal d'Antibes.
La place aux Aires est à deux pas. L'Empereur descend avec son état-major à l'Hôtel du Dauphin au n° 27 de la place pour faire le point. Il est encore temps de prendre la route de Draguignan et de passer par la vallée du Rhône. Mais, Napoléon
garde un mauvais souvenir de sa traversée de la Provence, l'an passé pour se rendre de Fontainebleau à Fréjus. Il y avait été conspué et menacé de mort. D'autre part, il y a dans son état-major,
le chirurgien de la garde Apollinaire Emery, originaire de Grenoble, qui était passé dans sa ville pour rejoindre I'île d'Elbe. Il avait fait son rapport à l'Empereur indiquant que l'état
d'esprit des montagnards de la haute Provence et des Dauphinois différait des habitants du littoral et des riverains du Rhône. Ces populations peu nombreuses et disséminées, communiquent
difficilement entre elles à cause des montagnes et du manque de chemins, ne peuvent guère être averties ou rassemblées. La décision est prise de prendre par la montagne, il faut aller au plus
vite.
Un autre problème gêne Napoléon. Le docteur Cabanès dans son livre «Au chevet de l'Empereur» signale que Napoléon est pris de maux de ventre et souffre
d'une crise d'hémorroïdes. Tenir à cheval le fait souffrir, il fait donc chercher un tilbury , sorte de cabriolet à deux roues. Mais on n'en trouve pas, et pourtant il y avait celui que sa soeur
Pauline avait laissé à la sous-préfecture, précision que l'on doit à Frédéric Masson.
On achète des chevaux et des mulets. Une vingtaine de lanciers sont montés ainsi que quelques officiers sans troupe. On charge le trésor et les bagages sur des mulets. On monte donc
par le chemin des Carrières, qui est un vrai mur tant il est raide, et par l'ancienne route de Cabris on arrive au plateau Roquevignon, où l'on
marque une halte pour rassembler les retardataires et manger la soupe avant d'attaquer la montagne. Quand le comte de Bouthillier, le préfet du Var apprendra que la troupe a pris la route de St
Vallier, il dira : «Ils sont pris car il n'y a pas de route.» C'était mal connaître ces grognards qui ont arpenté les sierras espagnoles ou les plaines de
l'Ukraine.
Paul sénéquier, juge de paix à Grasse à la fin du 19° siècle a beaucoup écrit sur l'histoire locale, et il a noté: «Plusieurs vieillards, il y a plus de 50 ans,
m'ont dit avoir vu l'Empereur là, à Roquevignon, au milieu de l'aire à fouler le blé, assis sur une pile de sacs de soldats, déjeunant d'un poulet rôti. Un de ces vieillards lui avait offert un
bouquet de violettes que Napoléon accepte gracieusement, ce qui lui vaudra le surnom de «Père la violette». Pendant ce temps, les officiers se rasaient dans la petite cour située en avant de la
bergerie voisine, à l'aide de miroirs de poche accrochés aux murs.» Peyrusse note dans ses mémoires que c'est à ce bivouac qu'on entendit pour la première fois des «Vive l'Empereur» criés par des Français !
Des hauteurs de Grasse, on voit la flottille, déjà sortie du Golfe-Juan, qui repart pour I'île d'Elbe. Le brick l'Inconstant ira radouber à
Naples et reviendra à Toulon ensuite. Les autres bâtiments retourneront à Porto-Ferrajo. Madame Mère et Jérôme l'ex-roi de Westphalie, débarqueront eux aussi à Golfe-Jouan dans moins d'un mois.
Le général Drouot, et l'arrière-garde restent en ville pour régler les derniers détails. L'imprimeur Dufort, rue de l'oratoire, par crainte d'être soupçonné n'a pas terminé son travail. Sans les
affiches, Drouot quitte Grasse dans l'après-midi. De nos jours quelques Grassois fiers-à-bras, affirment que Napoléon ne s'est pas arrêté dans leur ville. Et pourtant, il a bien fallu qu'il s'y
arrête puisque c'était un cul-de-sac, et on peut affirmer, en comptant l'avant-garde, le bataillon, puis l'arrière-garde, qu'il y a eu des soldats toute la journée dans cette bonne vieille cité
médiévale, pour le grand bonheur des commerçants. Et ce sera le même scénario dans chaque ville traversée.
Le général Cambronne en avant-garde, quitte Roquevignon vers midi, pour St Vallier. Le chemin est très mauvais, il fait chaud, bien qu'on soit bientôt à 700 mètres d'altitude. Grasse est à une
altitude moyenne de 350m.
L'Empereur, avec son bataillon de la vieille garde se met en route vers 2 heures de l'après-midi.
SAINT-VALLIER-DE-THIEY
Village provençal et son église romane du XIIe siècle
On trouve une place sur un immense terre plein qui doit servir de champ de foire, 4 à 5 voitures y sont garées, bien sûr une interdiction pour les camping-cars (encore). Encore une fois, nous braverons l’interdiction, nous ne gênons vraiment personne, pourtant une vieille « rombière », vient m’engueuler en me disant que Mr le Maire n’était pas d’accord....
On prendra tout de même le temps de photographier la colonne Napoléon et le siège en pierres de taille entourant l’arbre devenu historique et dont l’une d’elles porte l’inscription suivante : « Napoléon s’est assis ici, le 2 mars 1815 ».
D’ici part le véritable chemin emprunté par l’empereur et ses troupes pour rejoindre Escragnolles par les gorges de la Siagne. Cette route est à peu près tout ce qui reste d'authentique sur la Route Napoléon; elle est restée à l'identique, et bien sûr, on ne peut que la faire à pied, (bon on continuera sur la RN85)
lls sont à St Vallier-de Thiey vers les 4 heures et font une halte d'une demi-heure sur la place de l'Apié, près de l'église. L'Empereur s'arrête à l'ombre du grand orme abattu
par le vent en 1867 et remplacé en 1869 par la colonne napoléonienne actuelle. L'aubergiste Réal se présente en offrant des rafraîchissements Le
verre dans lequel bu l'Empereur a été longtemps conservé comme un précieux souvenir, puis iI fut vendu une centaine de fois ! ...
A l'annonce de l'arrivée des troupes, la population redoutant surtout une razzia de ses mulets, les avait par précaution, enfermés dans des
bergeries éloignées. En l'absence du maire, Napoléon fait demander l'adjoint M. Chautard et lui demande de lui procurer des montures sur quoi l'officier municipal lui
répond:
«- Mais Sire, tous les mulets sont en Champagne !
Napoléon sans rire :
- Bougre, qu'ils sont loin !
Ce ton familier rassure Chautard :
- Pardon mon Empereur, je veux dire à la campagne ! »
L'entretien se poursuivant sur ce ton, l'adjoint fait chercher par le garde champêtre tous les mulets que les habitants voudront bien louer,
à bon prix d'ailleurs. On mettait de l'importance à remonter tous les cavaliers.
ESCARGNOLLES
Napoléon s'y arrête ce soir-là. Il rencontre l'abbé Chiris qui l'attend avec un buffet bien garni, sur la petite place de la mairie près de sa petite église. Napoléon enchanté déclare: «Mais c'est une mître qu'il faudrait à ce saint homme, ce qui lui irait
mieux qu'un tricorne.» Pendant ce repas en plein vent, on ne parle guère que du général François Mireur qui est né à Escragnolles. Commandant la
cavalerie de la division Desaix, il a été assassiné durant la Campagne d'Egypte en 1798, haché à coups de cimeterres par une troupe de Bédouins, écrit Marcel Dupont. D'abord étudiant en médecine
à Montpellier, puis volontaire dans le bataillon de l'Hérault, et général de brigade au bout de cinq ans, il est considéré comme l'un des grands chefs de l'avenir.
A la suite de cet entretien, Napoléon demande à rencontrer la mère du Général Mireur, et se fait conduire chez elle. La pauvre vieille dame est aveugle, après quelques paroles de réconfort,
l'empereur lui glisse dans la main un rouleau de pièces d'or. En partant pour Séranon, il fait ses adieux à l'abbé Chiris en lui laissant pareillement quelques pièces.
Au-delà d'Escragnolles, la nuit est tombée, et l'on rencontre une file de muletiers de Caille qui s'en vont porter du blé au marché de Grasse. L'Empereur les oblige à empiler sur le chargement de leurs mulets, les sacs de ses soldats harassés et à rebrousser chemin jusqu'à Séranon.
Il neige de plus en plus fort au col de Valferrière à plus de 1000 m d'altitude.
Depuis Escragnolles, le chemin est mal tracé et on marche souvent dans un ruisseau à moitié gelé. Peyrusse note : «La nuit rendit notre marche dangereuse. Epuisé de fatigue, je m'endormis sur le bord du chemin, et ayant rejoint le convoi, j'aperçus sur les côtés du sentier une caisse d'or qu'un mulet avait laissé choir. Je récupérais cette caisse après avoir cherché de l'aide à Escragnolles.»
C'est au col de Valferrière que Guillaume Peyrusse situe l'entrevue de Napoléon et la vieille bergère : «L'Empereur s'est réfugié un instant dans une espèce de chalet occupé par une vieille femme
et quelques vaches. Tandis qu'il ranimait ses forces devant un feu de broussailles, il demanda à cette femme :
- Avons-nous des bonnes nouvelles du roi ?
- Du roi ! Vous voulez dire l'Empereur ?
Cette habitante des Alpes ignorait donc que Napoléon avait été précipité du trône et remplacé par Louis XVIII ! Les témoins de cette scène furent frappés de stupeur en présence d'une aussi
étrange ignorance.»
SERANON - CASTELLANE - BARREME - VENDREDI 3 MARS
SERANON
Le château de Broundet est aujourd'hui en ruines et c'est bien dommage. Napoléon y arriva le soir du 2 mars 1815, s’installa tout habillé sur un fauteuil et s’endormit.
Il y a à Séranon d'autres sites à visiter comme cette chapelle Romane qu'on ne peut pas manquer puisque seule au milieu de la vallée. Elle apparaît minuscule dans son écrin de verdure au beau milieu de ces impressionnantes falaises calcaires aux pics dénudés. Il y avait là au XII° siècle une église de belle importance.
Les troupes en arrivant à séranon apprécient la chaleur du bivouac. Il est 10 heures du soir et ils ont marché plus de 50 kms.
Pourquoi Séranon ? Parce qu'il y a là une bastide qui appartient au maire de Grasse Lombard de Gourdon. M. de Gourdon, comme beaucoup d'autres au cours de cette épopée, avait d'abord pensé que «le tigre échappé de sa cage» n'arriverait pas chez lui, mais bien forcé de reconnaître son erreur, tourne la veste et juge plus prudent de se ranger du côté du «tigre» Il convient donc avec Cambronne qui, en avant-garde, est responsable du logement, de mettre à sa disposition son château de Broundet à Séranon. Pour ce faire, le maire dépêche un serviteur auprès de son intendant Biaise Rebuffel, lui faisant dire de préparer les feux et le couchage, puis de se présenter à l'Empereur dès son arrivée et de lui offrir l'hospitalité.
Le général Drouot et l'arrière-garde composée du corps des chasseurs couchent à St Vallier-de Thiey.
Pendant que les feux du bivouac consument toute la provision de bois de Biaise Rebuffel, Napoléon s'installe et dort tout habillé sur un fauteuil, accoudé sur une petite table. Ce fauteuil et cette table sont toujours à Séranon, propriété de la famille Rebuffel-Bompar.
Dès l’aube, la troupe se met en marche pour atteindre Castellane où elle peut se fournir de nombreux chevaux et mulets. L'Empereur oublia un flacon d'eau de Cologne, ce qui à ce jour a donné une eau de lavande intitulée «Oubli de Napoléon -2 mars 1815 Séranon».
Les grognards n'ont pas le temps d'admirer le paysage... Ils arrivent, par le village de la Doire, au Logis du Pin où la route quitte les Alpes Maritimes pour entrer dans le département du Var qui pousse là une corne dont la traversée dure à peine quelques minutes.
Le relais de l’Artuby sur la RN85.
La Provence
Il existe un endroit... où le cadre de vie... est un cadre d'envies.
Quel plaisir, cette route Napoléon depuis que l’on a quitté le littoral...
Arrêt sur un parking près du complexe sportif. Bien mal indiqué par Park4Night, il faut prendre la route de Moustiers-Sainte-Marie et après le pont, tourner à droite, longer le centre médical, le parking est sur la gauche.
Jeudi 18 avril 2019
CASTELLANE
Après le passage à l’office du Tourisme, nous faisons la grimpette par le Chemin du Roc pour apercevoir la ville d’en haut. (si j’avais de bonnes jambes et de bonnes chaussures, sans doute serions nous montés jusqu’à la chapelle de Notre-Dame du Roc).
Par contre, la descente sera plus périlleuse.
Nous arrivons devant la Tour de l'Horloge et son campanile (en restauration), qui ouvre sur la rue St Victor d'où en contrebas on aperçoit la Tour Pentagonale surplombant les vestiges des remparts qui fermaient la ville au XIV° siècle.
Nous débouchons sur la Place de l’Eglise ou nous déjeunerons.
Entre 10h et 12h l´empereur entre dans la ville de Castellane par le faubourg Saint Martin, et débouche sur la grande place. Le premier contact avec la population est mitigé, personne ne voulant venir grossir les rangs de la petite troupe qui s´était pourtant agrandie au fur et à mesure de sa progression.
Napoléon a d'autres soucis en tête. Le général Cambronne à son habitude est déjà chez le sous-préfet François Francoul, un des rares à ne pas prendre la fuite. Il est vrai qu'il a été destitué par Louis XVIII, et il attend donc son successeur M. De Villeneuve-Bargemon, pas pressé de prendre son poste, qui est toujours chez lui dans le Var. Au même moment arrive le courrier de Draguignan, annonçant le débarquement de Golfe-Jouan, disant que les Elbois doivent coucher vers Fréjus et demandant des gendarmes avec des volontaires pour marcher sur leurs flancs.
Le sous-préfet en sursis ne fait donc aucune difficulté pour accueillir Cambronne et son avant-garde. La municipalité, les habitants et les officiers réformés s'empressent de pourvoir aux besoins de la troupe, et les rations de pain de vin et de viande sont rassemblées sur la place, (actuellement place Marcel Sauvaire). On y ajoute quelques charrettes et bien sûr des mulets.
L'Empereur arrive pour déjeuner à la sous-préfecture, avec M. Francoul et le maire M. St Martin qui est sans influence car précédé d'une solide réputation d'assoiffé. Devant les bonnes dispositions du sous-préfet, Napoléon demande des passeports en blanc: l'un est destiné à Pons de l'Hérault qui de Digne partira à Marseille pour entrer en contact avec Masséna, qui le fera mettre tout simplement en prison, au château d'If; l'autre est pour le chirurgien de la garde Emery , qui est Grenoblois: «Prends les devants, lui dit l'Empereur, va à Grenoble et dit que j'arrive.» Pour remercier Fracoul, l'Empereur lui promet de le nommer préfet de Digne, dès son arrivée à Paris.
Napoléon prend un instant de repos. En ville la troupe et la population fraternisent. A 2 heures on se remet en marche dans les traces de Cambronne car il faut monter
le col des Lecques enneigé (1.148 m. d'altitude). Le piqueur St Denis a écrit: «Pendant ces 4 jours, nous eûmes beaucoup de peine, nous
n'étions pas faits à la fatigue. Les deux premières journées nous coûtèrent le plus; à tout moment c'étaient des montagnes dont il fallait atteindre la cime, ou des défilés assez étroits qu'il
fallait passer; tantôt la neige, tantôt la boue nous empêchait d'accélérer le pas.» St Denis, originaire de Versailles, n'est plus piqueur, c'est à dire aux
écuries. Il a remplacé le Mameluk Roustan au service intérieur, et il est surnommé depuis le Mameluk Ali. Bientôt. Il sera à Ste Hélène, bibliothécaire, car il est instruit et ses mémoires
publiées en partie, en 1826 sont riches en renseignements originaux. On n'a pas la même vue des choses depuis l'office...
Les kilomètres qui suivent vont être parmi les plus difficiles. Il n'y a pas de routes si ce n'est un sentier muletier qui est l'ancienne «via salinaria»«, la route du sel, le sel si important à ces époques. Il neige à gros flocons. La troupe s'étire sur une
grande distance. Les hommes sont obligés de marcher les uns derrière les autres. Le commandant Laborde racontera; «notre petite colonne
tenait l'espace qu'auraient occupé 20.000 hommes sur la route.»
En entrant dans la ville l’on avait pas vu le joli pont romain, il enjambe le Verdon et qui dit Verdon, pense Gorges du Verdon. Oui ! Encore une visite qui s'impose, encore un petit détour... vers MOUSTIERS-SAINTE-MARIE.
Nous ne pourrons faire qu’un arrêt le long de la Corniche, difficile de s’arrêter avec le CC.
MOUSTIERS-SAINTE-MARIE et ses faïences et son étoile brillante qui se balance sur une chaîne de 227 m. entre deux pitons rocheux.
La chapelle Notre-Dame du Beauvoir, désignée d’abord sous le nom de Notre-Dame d’Entre-Roches, remonte au IXe siècle. La renommée de la chapelle se répandit à partir du XIIe siècle surtout en raison des nombreux miracles de la Vierge. Le pèlerinage à Notre-Dame prit rapidement de l’ampleur, encouragé par l’église qui accordait, ou vendait, des indulgences aux pèlerins. Au XVIIe siècle, ces pèlerinages prirent une forme particulière. On amenait ici les enfants mort-nés, qui ressuscitaient quelques instants, le temps de les baptiser et d’assurer ainsi le salut à leur âme. Après quoi, ils étaient inhumés religieusement dans l’enceinte du cimetière. C’est ce que l’on appelle les suscitations d’enfants et les chapelles reconnues pour ce miracle sont désignées sous le nom de chapelles à répit. Notre-Dame de Beauvoir est la plus importante de Provence.