SUR LA ROUTE NAPOLÉON

 

Avril 2019

 

 

 

La Route Napoléon qui relie Golfe-Juan à Grenoble est une route mythique des Alpes où le tourisme rencontre l'Histoire. Sur les traces de Napoléon, elle correspond au chemin emprunté par Napoléon lors de son retour d’exil, bien décidé à reconquérir son trône à Paris. Il débarque à Golfe Juan et emprunte les sentiers muletiers pour rejoindre les Alpes par la vallée de la Durance.  

 

   

 

Les étapes de NAPOLEON du 1er au 7 mars 1815  

« My God, mein Gott… Ça y est, on s’en est enfin débarrassé ! » se sont à peu près dit les alliés britanniques, germaniques et russes en 1814, une fois qu’ils eurent envoyé Napoléon Ier sur l’île d’Elbe, désormais son seul empire, situé entre Corse et Toscane. Tu parles ! Un an plus tard, l’ex-petit caporal revenait en France. Le 1er mars 1815 à 15 h, il pose le pied sur le sable de Golfe-Juan en compagnie d’environ 1 200 hommes. Son objectif est simple : remonter le plus vite possible à Paris pour s’asseoir de nouveau sur le trône.

 

Problème : les grandes villes de la région sont a priori fidèles au roi Louis XVIII. Il va falloir les éviter en empruntant des chemins de montagne. Ce périple est entré dans l’histoire comme le « vol de l’Aigle ». Une bonne partie de sa route (324 km) sera constituée de sentiers muletiers. Ils sont à présent goudronnés et forment la « route Napoléon », créée en 1932 par des élus cherchant à valoriser leur patrimoine touristique. Elle suit pour une bonne part le tracé de la RN85 ; celle-ci est actuellement déclassée sur quelques portions, notamment en D6085 (Alpes-Maritimes), D4085 (Alpes-de-Haute-Provence), D1085 (Isère).

 

 

Quand le tourisme rejoint l'histoire...

 

 

L'ÎLE D'ELBE ET LA PROVENCE

 

 

PORTO-FERRAJO - LE DEPART - LE DIMANCHE 26 FEVRIER 1815

 

Sept heures sonnent. Napoléon embrasse une dernière fois sa mère, et descend vers le port dans une petite voiture qui va au pas…

…le mercredi 1er mars, au point du jour, la flottille est à la hauteur du Cap d'Antibes. Napoléon apparaît sur le pont une cocarde tricolore au chapeau

« Du 26 février au 7 mars 1815, de l’île d’Elbe à Grenoble, 9 jours qui auraient pu changer la face du monde »

VALLAURIS - LE DEBARQUEMENT DANS LE GOLFE-JOUAN - MERCREDI 1er MARS

 

Un détachement de vingt grenadiers avec le capitaine Lamouret débarque dans un canot pour s'assurer de la batterie de la Gabelle que Napoléon sait se trouver près de la plage. La batterie était désarmée. Les grenadiers se mettent en position sur la route de Cannes sur les hauteurs voisines de la tour de la Gabelle. Drouot, débarqué peu après Lamouret, expédie un autre capitaine en civil vers Antibes porteur de proclamations.

Prévenu, le colonel Cunéo d'Ornano, commandant la place (ses supérieurs le général Corsin et le général Paulin sont absents, en inspection aux Îles de Lérins) lit les proclamations et arrête le capitaine quand on l'avertit qu'un détachement de grenadiers de I ‘île d'Elbe se présente à la Porte Royale. Ce sont les hommes de Lamouret qui outrepassant ses instructions avait projeté de soulever la garnison. Il accourt, les laisses entrées après avoir parlementé avec Lamouret, mais à peine ont-ils franchi l'enceinte qu'il fait lever le pont-levis. Le détachement se retrouve prisonnier !

Il est à noter que ce sera le seul échec et que Napoléon le doit non seulement à un compatriote corse, mais qui plus est, à un parent, allié à la famille par Isabelle Bonaparte. Arrivé aux Tuileries, l'Empereur fera appeler Cunéo d'Ornano, et loin de le blâmer, il le nommera général au poste de commandant de la place de Valence...

Pendant cette équipée, la petite armée impériale effectue son débarquement. Au fur et à mesure que la troupe débarque, les hommes établissent un bivouac dans une oliveraie entre la mer et la route de Cannes à Antibes. Il reste à débarquer le trésor, les bagages, les canons et les chevaux. Un témoin oculaire, le capitaine Gazan en demi-solde à 23 ans, se trouve sur les lieux ce soir-là. Il a raconté la scène à Paul Sénéquier : «La soirée était splendide, l'air calme, la mer tranquille et le ciel, reflétant les derniers rayons du crépuscule, commençaient à donner au lointain ce vague vaporeux qui précède nos belles soirées de printemps.»

 

Napoléon quitte le brick l'un des derniers, et touchant le sol de la Patrie s'écrie: «Salut, France ! Terre des Braves ! » et va s'asseoir sur son fauteuil de campagne, près des feux allumés par les soldats, non loin de la bastide de Jérôme Jourdan. Madame Jourdan attend un heureux événement, et Napoléon lui promet d'être le parrain si c'est un garçon et qu'il rentre dans la garde, nous raconte Hector Acrome. Il y a encore des descendants de Jourdan à Antibes.

Le général Cambronne est dépêché à Cannes avec une compagnie de cent chasseurs et grenadiers : « Cambronne, je vous confie l'avant-garde de ma plus belle campagne ! Vous ne tirerez pas un seul coup de fusil. Je veux reprendre ma couronne sans verser une goutte de sang ! »

 

Le général Drouot place des sentinelles et des postes de garde le long de la route. Il faut faire vite. Des voitures sont arrêtées et on achète quelques chevaux. Le capitaine Alexis Gazan refuse de vendre sa jument qui ne lui appartient pas. Après être resté assis quelques instants près du feu, Napoléon vient sur la route, à l'auberge Jacquemin, parle avec des passants et des paysans accourus en curieux. Deux soldats, en garnison à Antibes ont déserté et les rejoignent. On apprend ainsi que Lamouret et ses grenadiers sont retenus prisonniers. Napoléon envoie le capitaine Casabianca et un officier de santé nommé Muraour à Antibes pour les réclamer. Ils se feront arrêter, mais, l'Empereur refuse de prendre Antibes d'assaut: «Le temps est trop précieux. Le meilleur moyen de remédier au mauvais effet de l'affaire d'Antibes, c'est de marcher plus vite que la nouvelle ! Si la moitié de mes soldats se trouvaient prisonniers, je les laisserais de même. S'ils y étaient tous, je marcherais seul.»

Le piqueur Saint Denis, qui se fait appeler Ali, raconte dans ses mémoires :

«
Il était déjà tard lorsque l’Empereur, sentant le besoin de se reposer, s'enveloppa le corps d'un couvrepied, d'un tricot de laine, s'assit dans son fauteuil pliant, les jambes allongées sur une chaise, et couvert de son manteau. Il chercha à dormir quelques heures. Jusqu'au moment fixé pour le départ, il resta dans la même position.»

 

Vers minuit, les hommes, ayant nettoyé leurs armes, mangé la soupe, et reçu leur solde pour quinze jours, la colonne est formée et gagne Cannes par un magnifique clair de lune. Napoléon chevauchant son cheval le Tauris, passe les troupes en revue. A cet emplacement, il y a une colonne surmontée d'un buste (non de Napoléon, mais de Bonaparte), buste offert par M. et Mme Pardée. Quant au cheval, un beau persan gris pommelé, il est enterré au lieu-dit Le Cimetière aux chevaux dans le domaine de Brazeux, propriété du baron de Montaran à qui Napoléon avait confié ce cheval, le 29 juin 1815.

Le 28 juillet 1838, Châteaubriand, qui évoquera: «
l'invasion d'un pays par un seul homme» écrit à Madame Récamier: «J'ai quitté Marseille pour venir voir le lieu où Bonaparte, en débarquant, a changé la face du monde. Jacquemin, potier et aubergiste, me mena à la mer, entre les oliviers sous lesquels Bonaparte avait bivouaqué. Jacquemin lui-même l'avait reçu et me conduisait. Parvenu à la grève, je vis une mer calme que ne ridait pas le plus petit souffle. Il y avait dans le golfe qu'une seule barque à l'ancre et deux bateaux : à gauche, on apercevait le phare d'Antibes, à droite, les îles de Lérins. Les Îles de Lérins reçurent autrefois quelques Chrétiens fuyant les barbares, St Honorat monta sur un palmier, fit le signe de la croix, tous les serpents expirèrent et la nouvelle civilisation naquit dans l'Occident. Quatorze cents ans après, Bonaparte vint terminer cette civilisation où le saint l'avait commencée. Du silence du Golfe-Jouan, de la paix des îles aux anciens anachorètes sortit le bruit de Waterloo, qui traversa l'Atlantique et vint expirer à St Hélène...»

Victor Hugo vint, lui aussi, un an après en 1839 : «
Le Golfe-Jouan est une petite baie mélancolique et charmante, abritée à l'Est par le Cap-d ‘Antibes dont le phare et la vieille église font une assez belle masse à l'horizon, à l'Ouest par le cap de la Croisette. Un demi-cercle de hautes croupes vertes entoure le Golf et le ferme aux vents de la terre. Vis-à-vis du petit chemin au bord de la tour de Cannes, il y a deux mûriers. C'est entre ces deux mûriers que l'Empereur se plaça pour passer en revue le bataillon qui sera dans l'histoire aussi grand que la Grande Armée. Puis il se dirigea vers l'Ouest, passa près de cette vieille batterie basse que je viens de voir, traversa des torrents que je viens de traverser. A quelque distance des vieux mûriers, on a bâti un cabaret à l'enseigne «Au débarquement de l'empereur» A quoi pensait Napoléon ? Lui qu'attendait cette prison appelée Ste Hélène laissa derrière lui cette autre prison appelée Ste Marguerite. Peut-être se retourna-t-il un moment pour donner une pensée au Masque de fer, mais, trop occupé des mystères de l'avenir pour songer à ceux du passé, il continua sa marche et se plongea hardiment dans l'inconnu. Pendant deux heures, j'ai marché sur le sable où cet homme a marché il y a 24 ans, je me suis mouillé les pieds dans ce flot où est tombée sa rêverie pleine d'anxiété. J'ai quitté cette solitude comme le jour baissait et j'ai continué ma route vers Antibes. En sortant des collines qui bordent le Golfe-Jouan, j'ai enfin rencontré une figure humaine. C'était une vieille femme qui faisait sécher du linge sur un aloès.»

Il est à remarquer que le débarquement s'est effectué au grand jour, les navires ancrés depuis le matin, au vu et au su de tous. On peut voir en relisant ces lettres que, alors que les troupes n'ont pas fini leur manœuvre, la sous-préfecture de Grasse sera déjà informée par la mairie d'Antibes. Mais que faire? Rien ne sera fait par manque de moyens, ou par laxisme, ou par stupéfaction devant l'événement. En fait, il est urgent de ne rien faire. «
Je n'ai rien fait... Mais, j'ai rendu compte !... » Tel va être le raisonnement des maires, sous-préfets, préfets et autres chefs de corps de gendarmerie, tout au long de cette campagne qui se veut pacifique. Chacun souhaite l'échec de l'entreprise, mais personne ne veut le provoquer. C'est ce qu'avait d'ailleurs prévu Napoléon, en fin stratège... Il est à remarquer également que pour avoir habité la région 20 ans auparavant, Napoléon sait très bien où il débarque, et n'oublions pas qu'en 1815, la France finit à Antibes, et au-delà, après le Var c'est le royaume de Sardaigne...

Enfin, il faut souligner que la marche se fera toujours d'une façon toute réglementaire. Le général Drouot, de Nancy, et ce sera une constante, reste en arrière-garde avec un détachement. Le général Cambronne, de Nantes, en avant-garde ouvre la route avec pratiquement une demi-journée d'avance sur le bataillon, et une journée entière sur l'arrière-garde. Pierre Cambronne trouve les rations, c'est à dire la nourriture, donc du pain qu'il faut cuire spécialement pour environ 1.000 bouches à nourrir ! On ne sait pas exactement le nombre: officiellement 607 grenadiers et chasseurs, 118 chevau-légers polonais, 21 marins de la garde, 43 canonniers, 400 chasseurs corses et 30 officiers sans troupes venus à Porto Ferrajo demander du service. A cela il faut retrancher 30 grenadiers en congé, des déserteurs chez les Corses qui n'étaient d'ailleurs jamais 400 présents sous les armes et les hommes de Lamouret prisonniers à Antibes. Enfin, il paraît qu'un certain nombre de canonniers sont restés à Porto-Ferrajo, et que l'adjudant du génie Monier a été oublié sur l'îlot de Pianosa : aux archives de la guerre c'est le chiffre de 1.000, annoncé par M. de Bouthillier, préfet du Var, qui a été retenu. D'ailleurs Cambronne ne cessera de gonfler les effectifs pour faire croire à une armée plus importante, il réclamera de 2 à 3.000 rations ! Rappelons aussi que le gros de la troupe est composé de grenadiers ayant effectué les grandes campagnes, tous volontaires et très aguerris.

Pour suivre, il y a le bataillon proprement dit. A l'intérieur marche Napoléon parfois à pied, parfois à cheval, devant avec la troupe, ou alors parmi ses officiers sans troupes. On marche à pied d'abord. A Golfe-Juan, on réquisitionne une berline pour Guillaume Peyrusse, le trésor et les bagages. Encore une constante, on achète des chevaux, des mules et même des ânes dès qu'on en trouve, c'est qu'il faut remonter les cavaliers et surtout les Polonais qui marchent en portant leur selle sur le dos, pas très pratique en montagne.

Les chaussures sont du modèle courant, c'est à dire uni pied, gauche et droit identiques. Trois tailles : petite, moyenne et grande taille de longueurs internes de 240 mm, 270 mm et 300mm. Il existe une pointure au-dessus de la grande taille, et une autre au-dessous de la petite taille, mais seulement 3 paires par 100 paires ! C'est un soulier bas, bout carré, fermé par un laçage fait d'une lanière de cuir. Un seul trou, pas d'œillet. Le tout est en peau de vache corroyée en huile et employée la chair au dehors. L'empeigne et le quartier noircis et cirés au suif. La chaussure réglementaire pèse 611 grammes. Le manuel d'infanterie 1808 est précis. C'est important pour des hommes qui feront des milliers de km. Le capitaine Coignet cite ce dicton: «
une paire de chaussures s'use de Paris à Poitiers ». Le havresac pèse environ 30 kg.


L'arrière-garde marche une journée en arrière de l'avant-garde. Comme une journée de marche est en moyenne de 10 lieues, environ 40 kms, le général Drouot qui commande l'arrière-garde ne verra pratiquement pas le général Cambronne avant Grenoble. Des estafettes à cheval font la liaison. Drouot est chargé d'assurer la sécurité, et surtout de récupérer les traînards. Il est à noter qu'une trentaine de soldats malades ou épuisés trouveront refuge dans les hospices échelonnés le long du parcours.

 

Le Vol de l'Aigle, volant de clocher en clocher, jusqu'aux tours de Notre-Dame se poursuivra par Lyon, Mâcon, Châlons-sur-Saône, Autun, Auxerre et enfin Paris où Napoléon retrouve le trône que vient d'abandonner Louis XVIII en fuite vers Gand. Ce seront les Cents-Jours, Waterloo, la Seconde Abdication, enfin le départ vers Rochefort, puis Plymouth et I ‘île de Ste Hélène...

Evidemment, Napoléon n'a jamais pris la Route Napoléon, puisque la route n'existait pas lorsqu'il a débarqué à Vallauris, dans le Golfe-Juan, le 1er mars 1815. C'est la Nationale 85 qui a pris le nom de l'Empereur pour devenir la première route touristique à caractère historique.

Si elle ne suit pas exactement les chemins de l'époque dont beaucoup ont d'ailleurs disparu, la Route Napoléon donne une bonne idée du périple effectué en 1815 par l'Empereur allant de Vallauris à Grenoble, par Grasse, Digne, Sisteron, Gap, et Corps. Ce qui totalise plus de 300 kilomètres, à pied le plus souvent, en une semaine. Un exploit ...

 

Mardi 16 avril 2019   

 

 

GOLFE-JUAN


Plus d’une heure pour trouver une place de parking, des gendarmes sont en train de verbaliser, nous leur posons la question : « où peut t’on stationner », réponse : « très difficile de trouver une place, et vous savez les gens d’ici ne sont pas très patients », on l’avait bien compris déjà en tournant dans les rues étroite de Golfe-Juan...

 

On trouve enfin, le long d’un trottoir, Avenue (moi je la qualifierai de petite rue...) de la Palmeraie.

Et là commence notre périple du retour par la route Napoléon.

 

La rade n’était qu’un mouillage naturel avec quelques cabanes de pêcheurs et des hangars à poterie où marchands, négociants, muletiers se bousculaient. C’est le 1er mars 1815 que Golfe-Juan entre dans l’histoire. Ce jour-là de retour de l’île d’Elbe, Napoléon débarquait.

 

Une stèle en mosaïque indique sur le quai l'endroit du débarquement, et  la colonne Napoléon érigée à l'endroit où se trouvait l'olivier sous lequel Napoléon fît une halte après son débarquement.

 

CANNES - LE BIVOUAC - MERCREDI 1er MARS


Le général Cambronne, avec son avant-garde et Pons de l'Hérault, se présentent à Cannes vers trois heures, et s'annoncent comme venant de débarquer de I'île d'Elbe pour rentrer en France avec des congédiés et des malades. Cambronne réquisitionne tous les chevaux de poste sous prétexte qu'il en a besoin pour ses malades. Pendant ce temps, André Pons à la mairie essaie d'obtenir un passeport pour aller à Toulon et à Marseille afin de rallier Masséna commandant la région militaire.

A Cannes, on avait d'abord cru à un débarquement de corsaires algériens. L'arrivée de l'avant-garde dissipe les craintes et la foule se presse autour des grenadiers. Le rapport du maire de Cannes, Augustin Poulie, nous dit que Cambronne fait une réquisition pour 12 voitures à 4 colliers dont il exige le récépissé
. «Sur environ les 7 heures et demie, il revint faire une autre réquisition pour 3.000 rations de pain et de viandes, prêtes à distribuer à minuit précise, dont il exigea aussi le récépissé. Je fis de suite appeler les bouchers et boulangers, je leur intimai l'ordre de pourvoir: les bouchers dirent que les marchands piémontais étaient arrivés avec des boeufs, qu'il en faudrait trois pour les fournitures. Je leur ordonnais d'en faire le marché et de les égorger de suite, ce qui fut exécuté. J'intimai le même ordre aux boulangers, je nommai douze commis pour faire prendre tout le pain. MM. les adjoints marchaient avec eux. A 11 heures, il y eut 1.700 rations de pain dans le magasin que j'avais assigné. Pour le restant, les commis s'étant divisés dans les quartiers, se portèrent chez les habitants qui se prêtèrent avec bonne grâce. A 1 heure les rations furent à peu près complétées. Dans l'intervalle, vers les 8 heures et demie, un officier vint me présenter une proclamation signée Napoléon avec ordre de lui donner publicité... Vers les deux heures, on vient m'annoncer l'arrivée de Bonaparte qui établit son bivouac sur les sables hors la ville, près de Notre-Dame, où il fit allumer un grand feu qui fut entouré par la troupe et de beaucoup de gens de la ville. Il ne parla à personne, excepté à Mgr le prince de Monaco qui était arrivé la veille vers les cinq heures. Le général Cambronne l'avait consigné dans son appartement avec un piquet, sous la garde d'un caporal. Le prince fut appelé par Napoléon... »

Le prince de Monaco qui avait jusque-là refusé de croire à la présence de l'Empereur, témoigne d'un grand étonnement.

-
Venez-vous avec nous, Monaco ? » demande l'empereur en riant.

-
Mais, Sire je vais chez moi.

-
Et moi aussi ! répond Napoléon.

-
Je m'en vais me retourner, car votre armée sera plusieurs jours à passer. Peut-être même mon voyage à Monaco est-il inutile et avez-vous déjà fait occuper cette ville ?

- Mais que croyez-vous donc ?

- Mais je suppose que votre armée est de 25 à 30.000 hommes et que vous avez eu le secours des Anglais et des Autrichiens.


-
Je suis surpris de votre opinion, vous qui avez servi sous mes ordres, croyez-vous que je vienne souiller le sol de la patrie avec des troupes étrangères ? Dans une heure vous pourrez continuer votre route, car mon armée consiste dans ce bivouac.

- Mais que prétendez-vous avec si peu de troupes ?

- Etre sur mon trône avant la fin du mois !


L'Empereur prend à part le prince et cause une demi-heure avec lui, demandant des nouvelles de différentes personnes, hommes et femmes, de la cour. Ensuite il donne des instructions au général Cambronne, qui prend les devants avec 100 grenadiers et 4 chevau-Iégers, pour former l'avant-garde, avec ordre de préparer des vivres à Grasse.

Malgré l'ordre de ne laisser partir personne de Cannes, un gendarme s'échappe au galop vers Fréjus pour prévenir le Préfet du Var, M. de Bouthillier. Heureusement pour les Elbois, ce gendarme ayant remarqué que les 4 canons étaient placés sur la route de l'Estérel, donne comme indication que l'expédition se dirige sur Marseille où commande le maréchal Masséna ancien compagnon de Bonaparte.

 

Le 25 mai 1815, le beau-frère de Napoléon, Joachim Murat, qui vient d'être dépossédé de son royaume de Naples, débarquera au même endroit.

 

Nous traversons CANNES par la Croisette. Nous ne tenterons même pas de nous arrêter pour visiter la ville. Simplement un court arrêt à la sortie pour déjeuner le long de la plage où d’immenses places de parking ne sont pas occupées, mais avec des panneaux « interdit aux camping-cars ». Un agent motorisé ne tarde pas à nous déloger.

Quel plaisir la Côte d’Azur en CC, je n’ose même pas imaginer des vacances ici, en haute-saison... de toutes les façons, cela ne nous tente même pas....

 

Nous nous écartons de la RN 85 pour la reprendre vers MOUGINS

 

 

CANNES - GRASSE - SERANON - JEUDI 2 MARS

 

A Grasse, le bruit d'une descente de corsaires s'était répandu comme à Cannes. Mais bientôt le maire, le marquis Lombard de Gourdon, est renseigné du débarquement de Napoléon par une estafette venue d'Antibes. Il réunit dans la nuit le conseil municipal et fait appeler le général Honoré Gazan qui, depuis peu en demi-solde, s'est retiré dans sa ville natale. Gazan, général de division, un des héros d'Iéna, la veille à dix heures du soir avait expédié une dépêche au maréchal Soult ministre du roi, pour lui apprendre la nouvelle du débarquement. A la mairie de Grasse, on parle d'armer la population et de former une centaine de partisans qui, en supposant qu'il prenne la route de l'Estérel, iraient s'opposer au passage de l'usurpateur ou, s'il voulait marcher sur Grasse, résisteraient depuis les remparts. Gazan demande l'état de l'armement pour résister : le maire répond qu'on a trente fusils dont cinq en état de marche et pas une seule cartouche. Honoré Gazan conseille donc à ce grand guerrier de se tenir tranquille, et lui-même trouve quelque chose d'urgent à faire dans sa maison de campagne à Mougins.

 

Le général Cambronne avec son avant-garde arrive à Grasse entre 6 et 7 heures. On se met aux fenêtres et bientôt quinze cents personnes sont réunies sur le Cours et sur la place du Clavecin où était dressée la guillotine pendant la Révolution. Le maire Lombard de Gourdon lui demande au nom de quel souverain il fait ses réquisitions. Cambronne lui répond: «Au nom de l'Empereur Napoléon !»

- «
Nous avons notre roi et nous l'aimons

- «
Monsieur le maire, je ne viens pas pour faire de la politique avec vous, mais pour demander des rations parce que ma colonne sera ici dans un instant

Bon gré, mal gré, le maire s'exécute.

«
Rien, pourtant, dira plus tard Cambronne devant le conseil de guerre, n'était plus facile que de me tuer, seul au milieu de la population. Il ne suffit pas de dire: j'aime le roi, il faut le montrer.»


Apprenant que le général Gazan est à Grasse, Cambronne se rend chez son divisionnaire, rue Neuve (aujourd'hui rue Gazan), tambourinant à la porte. La cuisinière passe la tête par la fenêtre et lui dit :

-
Le général est parti dans sa campagne !
- Dis-y que c'est un jean-foutre !


Et il ajoute le mot de Cambronne si célèbre.

Cambronne, suivant les ordres, cherche ensuite, rue de l'Oratoire, l'imprimeur Dufort, pour faire imprimer les proclamations afin de les répandre plus facilement. Il passe devant la maison de Guidai, général resté républicain, et qui a fait partie de la conjuration de Malet en octobre 1812 avec le général Lahorie, le parrain de Victor Hugo (son vrai père dit-on). Les conjurés ont mis à mal le pouvoir durant toute une matinée, déclarant que l'Empereur est mort durant la campagne de Russie. Le gouvernement à Paris, se laisse berner, prêt à accepter un gouvernement provisoire, sans penser que l'Empire est héréditaire, qu'il y a le fils Napoléon II et une régente sa mère. «
Ah ! Celui-là on n'y pense jamais ! » Rentrant de Moscou, Napoléon est à peine étonné de voir son pouvoir si fragile.

Pour l'instant, Napoléon, encore à Cannes, est constamment tenu au courant par les estafettes de liaison, les lanciers polonais en l'occurrence. Rassuré sur la marche, l'Empereur fait lever le camp. Partant du bivouac, ils prennent l'actuelle rue maréchal Joffre, et le carrefour Carnot. L'authentique route Cannes - Grasse de l'époque s'écarte peu de la RN 85 entre Rocheville et Mougins, passant comme maintenant par le Val de Mougins et Tournamy.

 

 

MOUANS-SARTOUX

  

A mi-chemin entre Cannes et Grasse, entre mer et parfum, une ville « labélisée 3 fleurs » avec un château du XVIe siècle et son parc aux arbres millénaires, les couleurs typiquement provençales de ses façades anciennes, en font une ville très agréable.

Plaque commémorative : « Ici Napoléon fit une halte en 1815 ».

La troupe s'arrête à Mouans-sartoux, sur la place de la mairie, en attendant les nouvelles de Cambronne parvenu à Grasse. A Cannes, Napoléon avait pris un guide qui avait servi au siège de Toulon et à l'Armée d'Italie. Ce guide rusé et très madré, lui donne toute espèce de renseignements sur les hommes et l'esprit public. Il lui apprend que le maire et la municipalité sont mal intentionnés, mais «le peuple est bon, et que si l'Empereur faisait un signal, le peuple se lèverait et égorgerait la douzaine d'aristocrates qui dominent la ville...».

 

Cambronne et ses 100 grenadiers d'avant-garde s'organisent place de la Foux à Grasse où ils forment les faisceaux. La place de la Foux se trouve en dehors de la ville, sous les remparts qui, à cette époque enferment la ville. C'est une sous-préfecture de 12.000 habitants ce qui est important en 1815. C'est en fait la première vraie ville que les Elbois rencontrent depuis si longtemps ! ...Sur la place de la Foux a été construit en 1767, un grand lavoir en forme de U, au milieu d'une aire plate et gazonnée, lavoir qui servait à laver le linge, mais aussi à abreuver les bêtes. En été on s'y baignait. C'est une aubaine pour nos soldats !

 

Bivouac sur le parking du tennis, chemin de la Chapelle à MOUANS-SARTOUX.

 

 

 

Mercredi 17 avril 2019   

 

 

 

GRASSE

 

Les camping-cars sont vraiment indésirables sur la côte... très peu d’aires de service et partout on se fait jeter. On prendra donc la route de Saint-Vallier et laissant GRASSE derrière nous, tant pis pour Napoléon...

 

Napoléon, à cheval au milieu de son bataillon avance sur Grasse par la montée Sainte Lorette. Il connaît bien cette ville, il y venait souvent du temps du Château Salé, à Antibes, en 1794, du temps de son amitié avec l'ancien maire de Grasse, le conventionnel Ricord, et surtout avec Mme Ricord avec qui il vécut une idylle... Sa soeur Pauline est la marraine d'un des enfants du sous-préfet M. Bain.

 

Il est environ 10 heures quand il contourne la ville par le Jeu de Ballon qui longe les remparts et qui deviendra le boulevard du même nom. Les grognards de l'avant garde font «par la droite, dégagez les faisceaux ! », et quittent le lavoir de la Foux pour laisser place aux arrivants. Ils montent par le Chemin des Carrières au plateau Roquevignon. En l'an X (1802) le premier consul Bonaparte avait ordonné de rendre praticable pour les voitures le chemin de Grasse à Sisteron, marqué sur la carte de Cassini. Ses instructions n'ont pas été exécutées; la route a été commencée à l'autre bout à partir de Sisteron jusqu'à Digne. Pendant l'Empire et toute la Restauration, Castellane ne figure pas comme relais dans le livre de Postes et des Itinéraires. Il croyait cette route faite. Effectivement, elle a été tracée, mais non achevée. L'avenue Thiers, la route pour aller à Nice, n'existait pas à l'époque, donc, faute de route carrossable, il faut abandonner sur la place de la Foux les 4 canons, la berline de voyage réquisitionnée à Golfe-Jouan, et les voitures achetées à Cannes. Napoléon les fait remettre à la municipalité, en recommandant bien de les envoyer à l'arsenal d'Antibes.

La place aux Aires est à deux pas. L'Empereur descend avec son état-major à l'Hôtel du Dauphin au n° 27 de la place pour faire le point. Il est encore temps de prendre la route de Draguignan et de passer par la vallée du Rhône. Mais, Napoléon garde un mauvais souvenir de sa traversée de la Provence, l'an passé pour se rendre de Fontainebleau à Fréjus. Il y avait été conspué et menacé de mort. D'autre part, il y a dans son état-major, le chirurgien de la garde Apollinaire Emery, originaire de Grenoble, qui était passé dans sa ville pour rejoindre I'île d'Elbe. Il avait fait son rapport à l'Empereur indiquant que l'état d'esprit des montagnards de la haute Provence et des Dauphinois différait des habitants du littoral et des riverains du Rhône. Ces populations peu nombreuses et disséminées, communiquent difficilement entre elles à cause des montagnes et du manque de chemins, ne peuvent guère être averties ou rassemblées. La décision est prise de prendre par la montagne, il faut aller au plus vite.

Un autre problème gêne Napoléon. Le docteur Cabanès dans son livre «Au chevet de l'Empereur» signale que Napoléon est pris de maux de ventre et souffre d'une crise d'hémorroïdes. Tenir à cheval le fait souffrir, il fait donc chercher un tilbury , sorte de cabriolet à deux roues. Mais on n'en trouve pas, et pourtant il y avait celui que sa soeur Pauline avait laissé à la sous-préfecture, précision que l'on doit à Frédéric Masson.

On achète des chevaux et des mulets. Une vingtaine de lanciers sont montés ainsi que quelques officiers sans troupe. On charge le trésor et les bagages sur des mulets. On monte donc par le chemin des Carrières, qui est un vrai mur tant il est raide, et par l'ancienne route de Cabris on arrive au plateau Roquevignon, où l'on marque une halte pour rassembler les retardataires et manger la soupe avant d'attaquer la montagne. Quand le comte de Bouthillier, le préfet du Var apprendra que la troupe a pris la route de St Vallier, il dira : «Ils sont pris car il n'y a pas de route.» C'était mal connaître ces grognards qui ont arpenté les sierras espagnoles ou les plaines de l'Ukraine.

Paul sénéquier, juge de paix à Grasse à la fin du 19° siècle a beaucoup écrit sur l'histoire locale, et il a noté: «Plusieurs vieillards, il y a plus de 50 ans, m'ont dit avoir vu l'Empereur là, à Roquevignon, au milieu de l'aire à fouler le blé, assis sur une pile de sacs de soldats, déjeunant d'un poulet rôti. Un de ces vieillards lui avait offert un bouquet de violettes que Napoléon accepte gracieusement, ce qui lui vaudra le surnom de «Père la violette». Pendant ce temps, les officiers se rasaient dans la petite cour située en avant de la bergerie voisine, à l'aide de miroirs de poche accrochés aux murs.» Peyrusse note dans ses mémoires que c'est à ce bivouac qu'on entendit pour la première fois des «Vive l'Empereur» criés par des Français !

Des hauteurs de Grasse, on voit la flottille, déjà sortie du Golfe-Juan, qui repart pour I'île d'Elbe. Le brick l'Inconstant ira radouber à Naples et reviendra à Toulon ensuite. Les autres bâtiments retourneront à Porto-Ferrajo. Madame Mère et Jérôme l'ex-roi de Westphalie, débarqueront eux aussi à Golfe-Jouan dans moins d'un mois.

 

Le général Drouot, et l'arrière-garde restent en ville pour régler les derniers détails. L'imprimeur Dufort, rue de l'oratoire, par crainte d'être soupçonné n'a pas terminé son travail. Sans les affiches, Drouot quitte Grasse dans l'après-midi. De nos jours quelques Grassois fiers-à-bras, affirment que Napoléon ne s'est pas arrêté dans leur ville. Et pourtant, il a bien fallu qu'il s'y arrête puisque c'était un cul-de-sac, et on peut affirmer, en comptant l'avant-garde, le bataillon, puis l'arrière-garde, qu'il y a eu des soldats toute la journée dans cette bonne vieille cité médiévale, pour le grand bonheur des commerçants. Et ce sera le même scénario dans chaque ville traversée.

Le général Cambronne en avant-garde, quitte Roquevignon vers midi, pour St Vallier. Le chemin est très mauvais, il fait chaud, bien qu'on soit bientôt à 700 mètres d'altitude. Grasse est à une altitude moyenne de 350m.

 

L'Empereur, avec son bataillon de la vieille garde se met en route vers 2 heures de l'après-midi.

 

SAINT-VALLIER-DE-THIEY

 

Village provençal et son église romane du XIIe siècle

On trouve une place sur un immense terre plein qui doit servir de champ de foire, 4 à 5 voitures y sont garées, bien sûr une interdiction pour les camping-cars (encore). Encore une fois, nous braverons l’interdiction, nous ne gênons vraiment personne, pourtant une vieille « rombière », vient m’engueuler en me disant que Mr le Maire n’était pas d’accord....  

On prendra tout de même le temps de photographier la colonne Napoléon et le siège en pierres de taille entourant l’arbre devenu historique et dont l’une d’elles porte l’inscription suivante : « Napoléon s’est assis ici, le 2 mars 1815 ».    

D’ici part le véritable chemin emprunté par l’empereur et ses troupes pour rejoindre Escragnolles par les gorges de la Siagne. Cette route est à peu près tout ce qui reste d'authentique sur la Route Napoléon; elle est restée à l'identique, et bien sûr, on ne peut que la faire à pied, (bon on continuera sur la RN85)

 

lls sont à St Vallier-de Thiey vers les 4 heures et font une halte d'une demi-heure sur la place de l'Apié, près de l'église. L'Empereur s'arrête à l'ombre du grand orme abattu par le vent en 1867 et remplacé en 1869 par la colonne napoléonienne actuelle. L'aubergiste Réal se présente en offrant des rafraîchissements Le verre dans lequel bu l'Empereur a été longtemps conservé comme un précieux souvenir, puis iI fut vendu une centaine de fois ! ...

A l'annonce de l'arrivée des troupes, la population redoutant surtout une razzia de ses mulets, les avait par précaution, enfermés dans des bergeries éloignées. En l'absence du maire, Napoléon fait demander l'adjoint M. Chautard et lui demande de lui procurer des montures sur quoi l'officier municipal lui répond: 
«- Mais Sire, tous les mulets sont en Champagne !
Napoléon sans rire :
Bougre, qu'ils sont loin !
Ce ton familier rassure Chautard :
Pardon mon Empereur, je veux dire à la campagne ! »

L'entretien se poursuivant sur ce ton, l'adjoint fait chercher par le garde champêtre tous les mulets que les habitants voudront bien louer, à bon prix d'ailleurs. On mettait de l'importance à remonter tous les cavaliers.

 

 

ESCARGNOLLES    

Napoléon s'y arrête ce soir-là. Il rencontre l'abbé Chiris qui l'attend avec un buffet bien garni, sur la petite place de la mairie près de sa petite église. Napoléon enchanté déclare: «Mais c'est une mître qu'il faudrait à ce saint homme, ce qui lui irait

mieux qu'un tricorne.» Pendant ce repas en plein vent, on ne parle guère que du général François Mireur qui est né à Escragnolles. Commandant la cavalerie de la division Desaix, il a été assassiné durant la Campagne d'Egypte en 1798, haché à coups de cimeterres par une troupe de Bédouins, écrit Marcel Dupont. D'abord étudiant en médecine à Montpellier, puis volontaire dans le bataillon de l'Hérault, et général de brigade au bout de cinq ans, il est considéré comme l'un des grands chefs de l'avenir. 

A la suite de cet entretien, Napoléon demande à rencontrer la mère du Général Mireur, et se fait conduire chez elle. La pauvre vieille dame est aveugle, après quelques paroles de réconfort, l'empereur lui glisse dans la main un rouleau de pièces d'or. En partant pour Séranon, il fait ses adieux à l'abbé Chiris en lui laissant pareillement quelques pièces.

 

Au-delà d'Escragnolles, la nuit est tombée, et l'on rencontre une file de muletiers de Caille qui s'en vont porter du blé au marché de Grasse. L'Empereur les oblige à empiler sur le chargement de leurs mulets, les sacs de ses soldats harassés et à rebrousser chemin jusqu'à Séranon.

 

Il neige de plus en plus fort au col de Valferrière à plus de 1000 m d'altitude.

 

Depuis Escragnolles, le chemin est mal tracé et on marche souvent dans un ruisseau à moitié gelé. Peyrusse note : «La nuit rendit notre marche dangereuse. Epuisé de fatigue, je m'endormis sur le bord du chemin, et ayant rejoint le convoi, j'aperçus sur les côtés du sentier une caisse d'or qu'un mulet avait laissé choir. Je récupérais cette caisse après avoir cherché de l'aide à Escragnolles

 

C'est au col de Valferrière que Guillaume Peyrusse situe l'entrevue de Napoléon et la vieille bergère : «L'Empereur s'est réfugié un instant dans une espèce de chalet occupé par une vieille femme et quelques vaches. Tandis qu'il ranimait ses forces devant un feu de broussailles, il demanda à cette femme : 

Avons-nous des bonnes nouvelles du roi ?
- Du roi ! Vous voulez dire l'Empereur ?


Cette habitante des Alpes ignorait donc que Napoléon avait été précipité du trône et remplacé par Louis XVIII ! Les témoins de cette scène furent frappés de stupeur en présence d'une aussi étrange ignorance.»

 

 

SERANON - CASTELLANE - BARREME - VENDREDI 3 MARS    

 

SERANON    

Le château de Broundet est aujourd'hui en ruines et c'est bien dommage. Napoléon y arriva le soir du 2 mars 1815, s’installa tout habillé sur un fauteuil et s’endormit.

Il y a à Séranon d'autres sites à visiter comme cette chapelle Romane qu'on ne peut pas manquer puisque seule au milieu de la vallée. Elle apparaît minuscule dans son écrin de verdure au beau milieu de ces impressionnantes falaises calcaires aux pics dénudés. Il y avait là au XII° siècle une église de belle importance.    

Les troupes en arrivant à séranon apprécient la chaleur du bivouac. Il est 10 heures du soir et ils ont marché plus de 50 kms.

 

Pourquoi Séranon ? Parce qu'il y a là une bastide qui appartient au maire de Grasse Lombard de Gourdon. M. de Gourdon, comme beaucoup d'autres au cours de cette épopée, avait d'abord pensé que «le tigre échappé de sa cage» n'arriverait pas chez lui, mais bien forcé de reconnaître son erreur, tourne la veste et juge plus prudent de se ranger du côté du «tigre» Il convient donc avec Cambronne qui, en avant-garde, est responsable du logement, de mettre à sa disposition son château de Broundet à Séranon. Pour ce faire, le maire dépêche un serviteur auprès de son intendant Biaise Rebuffel, lui faisant dire de préparer les feux et le couchage, puis de se présenter à l'Empereur dès son arrivée et de lui offrir l'hospitalité.

Le général Drouot et l'arrière-garde composée du corps des chasseurs couchent à St Vallier-de Thiey.

 

Pendant que les feux du bivouac consument toute la provision de bois de Biaise Rebuffel, Napoléon s'installe et dort tout habillé sur un fauteuil, accoudé sur une petite table. Ce fauteuil et cette table sont toujours à Séranon, propriété de la famille Rebuffel-Bompar.

 

Dès l’aube, la troupe se met en marche pour atteindre Castellane où elle peut se fournir de nombreux chevaux et mulets. L'Empereur oublia un flacon d'eau de Cologne, ce qui à ce jour a donné une eau de lavande intitulée «Oubli de Napoléon -2 mars 1815 Séranon».

 

Les grognards n'ont pas le temps d'admirer le paysage... Ils arrivent, par le village de la Doire, au Logis du Pin où la route quitte les Alpes Maritimes pour entrer dans le département du Var qui pousse là une corne dont la traversée dure à peine quelques minutes.

Le relais de l’Artuby sur la RN85

 

 

 

La Provence     

 

 

Il existe un endroit... où le cadre de vie... est un cadre d'envies.

 

Quel plaisir, cette route Napoléon depuis que l’on a quitté le littoral...

 

Arrêt sur un parking près du complexe sportif. Bien mal indiqué par Park4Night, il faut prendre la route de Moustiers-Sainte-Marie et après le pont, tourner à droite, longer le centre médical, le parking est sur la gauche.

 

 

Jeudi 18 avril 2019    

 

CASTELLANE    

Après le passage à l’office du Tourisme, nous faisons la grimpette par le Chemin du Roc pour apercevoir la ville d’en haut. (si j’avais de bonnes jambes et de bonnes chaussures, sans doute serions nous montés jusqu’à la chapelle de Notre-Dame du Roc).   

Par contre, la descente sera plus périlleuse. 

Nous arrivons devant la Tour de l'Horloge et son campanile (en restauration), qui ouvre sur la rue St Victor d'où en contrebas on aperçoit la Tour Pentagonale surplombant les vestiges des remparts qui fermaient la ville au XIV° siècle. 

Nous débouchons sur la Place de l’Eglise ou nous déjeunerons.    

 

Entre 10h et 12h l´empereur entre dans la ville de Castellane par le faubourg Saint Martin, et débouche sur la grande place. Le premier contact avec la population est mitigé, personne ne voulant venir grossir les rangs de la petite troupe qui s´était pourtant agrandie au fur et à mesure de sa progression.

Napoléon a d'autres soucis en tête. Le général Cambronne à son habitude est déjà chez le sous-préfet François Francoul, un des rares à ne pas prendre la fuite. Il est vrai qu'il a été destitué par Louis XVIII, et il attend donc son successeur M. De Villeneuve-Bargemon, pas pressé de prendre son poste, qui est toujours chez lui dans le Var. Au même moment arrive le courrier de Draguignan, annonçant le débarquement de Golfe-Jouan, disant que les Elbois doivent coucher vers Fréjus et demandant des gendarmes avec des volontaires pour marcher sur leurs flancs.

Le sous-préfet en sursis ne fait donc aucune difficulté pour accueillir Cambronne et son avant-garde. La municipalité, les habitants et les officiers réformés s'empressent de pourvoir aux besoins de la troupe, et les rations de pain de vin et de viande sont rassemblées sur la place, (actuellement place Marcel Sauvaire). On y ajoute quelques charrettes et bien sûr des mulets.

L'Empereur arrive pour déjeuner à la sous-préfecture, avec M. Francoul et le maire M. St Martin qui est sans influence car précédé d'une solide réputation d'assoiffé. Devant les bonnes dispositions du sous-préfet, Napoléon demande des passeports en blanc: l'un est destiné à Pons de l'Hérault qui de Digne partira à Marseille pour entrer en contact avec Masséna, qui le fera mettre tout simplement en prison, au château d'If; l'autre est pour le chirurgien de la garde Emery , qui est Grenoblois: «Prends les devants, lui dit l'Empereur, va à Grenoble et dit que j'arrive.» Pour remercier Fracoul, l'Empereur lui promet de le nommer préfet de Digne, dès son arrivée à Paris.

 

Napoléon prend un instant de repos. En ville la troupe et la population fraternisent. A 2 heures on se remet en marche dans les traces de Cambronne car il faut monter le col des Lecques enneigé (1.148 m. d'altitude). Le piqueur St Denis a écrit: «Pendant ces 4 jours, nous eûmes beaucoup de peine, nous n'étions pas faits à la fatigue. Les deux premières journées nous coûtèrent le plus; à tout moment c'étaient des montagnes dont il fallait atteindre la cime, ou des défilés assez étroits qu'il fallait passer; tantôt la neige, tantôt la boue nous empêchait d'accélérer le pas.» St Denis, originaire de Versailles, n'est plus piqueur, c'est à dire aux écuries. Il a remplacé le Mameluk Roustan au service intérieur, et il est surnommé depuis le Mameluk Ali. Bientôt. Il sera à Ste Hélène, bibliothécaire, car il est instruit et ses mémoires publiées en partie, en 1826 sont riches en renseignements originaux. On n'a pas la même vue des choses depuis l'office...

Les kilomètres qui suivent vont être parmi les plus difficiles. Il n'y a pas de routes si ce n'est un sentier muletier qui est l'ancienne «
via salinaria»«, la route du sel, le sel si important à ces époques. Il neige à gros flocons. La troupe s'étire sur une grande distance. Les hommes sont obligés de marcher les uns derrière les autres. Le commandant Laborde racontera; «notre petite colonne tenait l'espace qu'auraient occupé 20.000 hommes sur la route

En entrant dans la ville l’on avait pas vu le joli pont romain, il enjambe le Verdon et qui dit Verdon, pense Gorges du Verdon. Oui ! Encore une visite qui s'impose, encore un petit détour... vers MOUSTIERS-SAINTE-MARIE.

Nous ne pourrons faire qu’un arrêt le long de la Corniche, difficile de s’arrêter avec le CC.

 MOUSTIERS-SAINTE-MARIE et ses faïences et son étoile brillante qui se balance sur une chaîne de 227 m. entre deux pitons rocheux. 

La chapelle Notre-Dame du Beauvoir, désignée d’abord sous le nom de Notre-Dame d’Entre-Roches, remonte au IXe siècle. La renommée de la chapelle se répandit à partir du XIIe siècle surtout en raison des nombreux miracles de la Vierge. Le pèlerinage à Notre-Dame prit rapidement de l’ampleur, encouragé par l’église qui accordait, ou vendait, des indulgences aux pèlerins. Au XVIIe siècle, ces pèlerinages prirent une forme particulière. On amenait ici les enfants mort-nés, qui ressuscitaient quelques instants, le temps de les baptiser et d’assurer ainsi le salut à leur âme. Après quoi, ils étaient inhumés religieusement dans l’enceinte du cimetière. C’est ce que l’on appelle les suscitations d’enfants et les chapelles reconnues pour ce miracle sont désignées sous le nom de chapelles à répit. Notre-Dame de Beauvoir est la plus importante de Provence.

Aire de services à MOUSTIERS-SAINTE-MARIE, chemin de Quinson. Parking payant pour 25 CC sur terre battue, à 16 h, il n’y a plus aucune place disponible.

 

Au petit matin, je serai ecoeurée par un couple d’Allemands qui se déchaussent sur des tapis devant leur porte et laissent couler l’eau grise sous leur CC, alors que la borne de service est à 20 mètres.

 

 

 

Vendredi 19 avril 2019   

 

 

Nous rallongeons encore notre petit détour pour revenir par la Corniche Sublime. Aucun regret, c’est en effet « SUBLIME ». Les arrêts seront beaucoup plus fréquents car moins de monde, et on ne va pas s’en plaindre. 

 

 

AIGUINES

Situé aux portes des Gorges du Verdon au dessus du superbe lac de Sainte-Croix, Aiguines et un petit village blotti au cœur d’une nature grandiose...

Son magnifique château (privé) date de la Renaissance, superbement restauré avec ses tuiles vernissées.

La chapelle Saint-Pierre qui aujourd’hui nous paraît bien modeste, était l’église paroissiale du village médiéval, (mentionnée dès 1043).

La Corniche Sublime est une route étroite et en lacets sur la rive gauche du Verdon, créée en 1947. Elle surplombe les Gorges dans leur partie la plus grandiose sur une vingtaine de km, et nous offre des points de vue aussi spectaculaires les uns que les autres.

 

Un premier arrêt au belvédère du Col d’Illoire nous permet de découvrir 300m en contrebas le ruban d’émeraude du Verdon.

Au lieu nommé les Balcons de la Mescla, où les eaux de l’Artuby viennent se mélanger aux eaux du Verdon, deux belvédères permettent d’admirer cet endroit grandiose près de 700 mètres au-dessus du Verdon.

Au niveau du belvédère des Cavaliers, où la terrasse du restaurant « Le Grand Canyon », ou nous déjeunerons, nous offre aussi une vue splendide.

Le tunnel du Fayet, point culminant de la Corniche nous créait une petite frayeur...

 

Et c’est un dernier arrêt sur le Pont de l’Artuby jeté de part et d’autre de ce petit cours d’eau qui serpente 180m en contrebas, point de rendez-vous des amateurs du saut à l’élastique.

BARGÈME

Là-haut, perchées sur le piton rocheux et barrant l’horizon, se dressent, altières, les ruines et les tours du vieux château des Pontevès. On dirait que le plus haut village du Var (1097 m) est accroché dans le ciel, il valait vraiment le détour, un véritable enchantement.

Nous passerons la nuit sur le parking en contrebas du village. Vous pouvez monter jusqu’à Bargème pour la visite, mais attention route étroite. 

  

 

Samedi 20 avril 2019    

BARRÊME peut s’enorgueillir de posséder encore la maison du juge Tartanson où l’empereur passa la nuit du 3 mars 1815 (plaque commémorative sur le pignon pour rappeler cette nuit). Autrefois célèbre pour ses usines de distillerie de lavande, la seule encore visible avec son immense cheminée est à coté de la petite gare desservie par le train des Pignes, qui relie Digne à Nice depuis plus de cent ans.

 

Sur la place de l'église on peut trouver le Chemin Napoléon qui nous conduirait vers le Col de Corobin, mais il nous faudrait abandonner le CC. Donc, on va nous aussi abandonner la N85 et prendre la petite route (D20), qui monte vers La Clappe et pouvoir ainsi admirer le paysage (heu... moi seulement, car Gérard se doit d’être très concentré sur cette route étroite ou les quelques voitures que l’on va croiser sont souvent obligées de reculer afin de nous laisser passer...)

BARREME - DIGNE - MALIJAI – SAMEDI 4 MARS

 

Par la vallée de l'Asse, nous voilà à Barrême. Pierre Cambronne, arrivé à 18 heures, après une étape de 46 km, a fait le logement dans la maison du juge Tartanson.

 

Napoléon arrive à 20 heures, les rues sont illuminées et tout la population l'attend. Le maire M. Béraud vient au-devant de lui et le mène à la maison du juge, et, rapporte Fabry dans son Itinéraire : «Bonaparte y trouva la femme de Tartanson fils et la salua gracieusement. Cette dame répondit :

-Monsieur, j'ai l'honneur de vous saluer.
Cambronne la prit par le bras et lui dit d'un ton de reproche :

-Madame, c'est L'Empereur !»

 

Napoléon s'entretient longuement avec le juge, le maire et ses conseillers et ils repartirent tous «plein
d'enthousiasme et de dévouement pour sa cause».

Pendant ce temps, Cambronne s'occupe du repas que Napoléon partage avec Bertrand et Antoine Drouot qui ne s'étant pas arrêté, a rallié, laissant son arrière-garde à Castellane. Cambronne fait fonction de maître d'hôtel, et pour compléter le menu familial, soupe de légumes et plat de morue, commande à l'Auberge du Cheval-Blanc, tenue par Joseph Abbès, un rôti de chevreau ainsi que des fruits et des confitures. Voulant dédommager le juge Tartanson des frais occasionnés, celui-ci répondra: «
Je ne suis pas aubergiste, je ne fais pas de note !».

 

Pierre Cambronne laisse cinq napoléons sur la table avec un papier spécifiant de donner dix francs aux domestiques.

 

A 6 heures, départ de l'Empereur qui va franchir à nouveau 27 km de sentiers muletiers. Le général Cambronne avec son avant-garde est parti dans la nuit, guidé par un vieux grognard en retraite nommé Garron, qui va le diriger jusqu'au col de Chaudon.

Peyrusse a conté cette marche: «Nous nous mîmes en route pour nous diriger sur Digne. Le froid était vif, le verglas rendait notre marche très pénible et périlleuse. Nous nous réchauffions au feu des charbonniers que nous trouvions dans ces montagnes. Ils étaient stupéfaits d'étonnement. Ils contemplaient Sa Majesté la bouche béante. L'Empereur marchait à pied, le bâton à sa main ne l'empêchait pas de glisser et de tomber.

-
A la bonne heure, il ne faut pas que notre petit caporal se donne une entorse aujourd'hui ! Dit un grenadier.

Cette boutade ne déplut pas à Sa Majesté. Elle en rit.»

C'est dans le passage d'un de ces sentiers difficiles, plusieurs heures après le passage de Napoléon, qu'un mulet chargé de lourdes caisses, perd pied et tombe dans le ravin. Sous le choc une caisse s'ouvre et 200.000 livres en pièces d'or s'éparpillent dans la neige. Le trésorier Peyrusse en récupère une partie, mais les habitants du pays en retrouveront encore les jours et même les années suivantes dans le torrent où les pièces ont roulé dans les creux des rochers. Il est à noter que cet épisode de la chute du mulet et des pièces d'or trouve sa place, au gré des bouquins retraçant l'épopée, soit dans la montée sur Escragnolles, soit dans la montée vers Séranon. A vos recherches !

 

A mi-chemin entre Barrême et Digne, Napoléon fait une halte à La Clappe, hameau de 300 habitants. Il s'installe en face de l'église et un aubergiste lui sert des oeufs et une bouteille de vin de Chabrières. Au moment de payer, l'Empereur trouve le prix demandé trop élevé :

-Les oeufs sont rares par ici !

Il s'entend répondre par l'aubergiste :

-Non, ce ne sont pas les oeufs qui sont rares, ce sont les Empereurs !

Pendant cette halte, le colonel Mallet amène l'abbé Laurent, économe au grand Séminaire de Digne, et qui allait dire la messe à Chaudon. Avec le jeune abbé, Napoléon entame une longue conversation qui montre sa curiosité constante, sa vivacité d'esprit et l'humour qu'il savait pratiquer à l'occasion. Cette conversation est reproduite in extenso dans le livre de M. De Gombert «
Napoléon de I'île d'Elbe à Sisteron » qui m'a aidé dans l'étude de cette partie de l'épopée. L'abbé Laurent conclut: «J'ai passé environ une heure avec Napoléon et j'étais étonné de me trouver en face de cet homme qui avait fait trembler toute l'Europe. Aussi je le considérai attentivement et sa physionomie est demeurée empreinte dans mon âme

 

Digne, préfecture des Basses Alpes à l'époque, n'est plus qu'à 14 kms. La route devient plus aisée, et après Feston et Les Thermes de Digne, la colonne s'organise. En tête, entouré de son état-major, à cheval, l'Empereur fait son entrée par la rue Mère Dieu. Il est midi et c'est jour de marché.
Le trajet suivi par la troupe de Barrême à Digne, s'écarte entièrement du tracé de la
Route Napoléon. La colonne impériale avait choisi le chemin par le col de Chaudon. L'autre tronçon, actuelle route nationale, construit en 1772, n'avait pas été entretenue pendant la révolution et l'Empire, et n'était plus praticable.

A Barrême donc, continuez par la RN 85 pour ne pas manquer les clues de Chabrières vraiment impressionnantes, et pour, par chance, apercevoir le Train des Pignes. La ligne Nice-Digne-Ies-Bains est le dernier tronçon des Chemins de Fer de Provence. Avant 1925, ce réseau s'appelait le Sud France et desservait Nice depuis Meyrargues dans le Var. C'est un réseau métrique, c'est à dire que l'écartement entre les rails est d'un mètre. On l'appelle aussi le Train des Pignes car les chauffeurs alimentaient la chaudière de la locomotive avec des pommes de pins ! A Barrême la petite gare a des airs d'opérette.

A Chaudon Norante, vous pouvez rejoindre l'authentique Route Napoléon par Chaudon et le col de Corobin, ensuite Bédéjun et les Thermes de Digne. Il est évident que la RN 85 ne colle pas parfaitement au parcours, modernité oblige. Les puristes qui désirent effectuer le trajet historique se référent au livre de M. Camille Bartoli «
L'Authentique Route Napoléon». qui est également l'auteur d'un ouvrage sur le Maque de Fer. En effet, nous approchons de la région où la route Napoléon croise la Route du Masque de Fer, qui sera emprisonné sur les îles de Lérins. Après Malijai, la Route Napoléon croise également la Route d'Hannibal qui traversera les Alpes avec ses éléphants !...

M. Duval, préfet des Basses Alpes, devenu depuis le département des Alpes de Haute Provence, a reçu la veille, le vendredi 3 mars, une dépêche du préfet du Var, lui annonçant le débarquement de Napoléon à Vallauris, et son avance probable en direction des Basses Alpes. M. Duval convoque aussitôt le général Nicolas Loverdo, commandant la garnison du département, et le capitaine de gendarmerie.

Loverdo a 132 hommes casernés à Digne, et peu de réserve en munitions. Les autres troupes sont disséminées dans les places fortes près de la frontière. Le préfet lui apprend le débarquement de Napoléon à la tête de 2 à 3.000 hommes, ce qui équivaut au nombre de rations demandées par Cambronne à Cannes. M. Duval lui demande si on peut résister et Loverdo répond qu'il n'est pas sûr de ses troupiers car «il y a 4 jours, ils ont crié «
Vive l'Empereur», que j'ai voulu en punir 4, et qu'ils m'ont déclaré que si j'en punissais un, je devais les punir tous. Ce qui m'a mis dans l'obligation d'étouffer l'affaire. D'ailleurs il n'y a pas une seule cartouche à Digne, cependant je vais en envoyer chercher à Sisteron et nous essaierons cette troupe.» C'est le récit de Joseph Barbier le secrétaire général de la Préfecture.

Le rapport de M. Duval au ministre de l'intérieur est aux archives du département: «Il fut enfin agité la question de savoir si on avait le temps suffisant pour rétablir en arrière de Digne un autre point de résistance à Sisteron, situé au delà d'un pont d'une seule arche, sur la Durance, et dominé par une fortification pourvue de quelques pièces d'artillerie abandonnées depuis longtemps et sans affût. Le général commandant du département, seul compétent pour discuter la possibilité de cette mesure, reconnut que lors même qu'on aurait assez de temps et des moyens pour faire sauter le pont, l'on resterait exposés à voir la troupe ou démolir des maisons en tête du pont pour former à l'instant un radeau, ou se diriger en dessus ou en dessous de Sisteron pour y faire la même opération avec d'autres bois ou pour faire usage des bacs nombreux qui s'y trouvent placés.»

A la fin de l'entrevue, le préfet et le général Loverdo conviennent de garder le silence sur cette dépêche venue du Var. La nouvelle sera rendue publique le 4 au matin par les estafettes envoyées par les maires de Castellane et de Barrême, ce qui rend la nouvelle impossible à cacher. D'ailleurs l'avant-garde de Cambronne est déjà en vue vers les Thermes de Digne, déjà réputés à l'époque.
Grand branle-bas à la Préfecture, M. Duval a fait appeler la maire M. de Gassendi Tartonne, royaliste convaincu, les adjoints Itard et Estornel, le président du conseil général Hesmiol de Berre, le procureur du roi Vallet, le directeur des postes Roustan. Tous ces notables gémissent et implorent le préfet «
de ne commettre aucune hostilité contre Buonaparte, et de ne pas faire saccager la ville.» M. Duval et Loverdo qui ne tiennent pas à soutenir un siège, n'ont plus de scrupules. M. Duval intelligemment passe le cadeau empoisonné aux suivants et expédie des dépêches au sous-préfet de Sisteron, au préfet des HautesAlpes et au général commandant le département des Hautes-Alpes. Ayant fait son devoir, il se trouve subitement une obligation urgente à Champtercier situé à quelques lieues.
Le général Loverdo envoie ses ordres au commandant la place de Sisteron :

«
Monsieur le Commandant, dés la réception de ma lettre vous ferez sur-Ie-champ évacuer sur Manosque les munitions de la Citadelle de Sisteron de peur qu'elles ne tombent au pouvoir d'un détachement débarqué à Cannes. Je laisse sous votre responsabilité personnelle la prompte exécution de cet ordre qui ne peut souffrir le moindre délai. J'ai l'honneur de vous saluer. »

Puis il prend la décision de diriger les 3 compagnies du 87° de ligne sur la route de Valensole pour y attendre les renforts prévus de Marseille. Le général Nicolas de Loverdo, grec originaire de Corfou, arrivé en France en 1791, est entré à l'école d'artillerie de Valence. Lieutenant à l'armée d'Italie, grièvement blessé à Wagram en 1809, il sera aide de camp de Masséna au Portugal en 1810, général en 1813, il finira sa carrière en 1830 lors de conquête de l'Algérie.

Il était temps que ces conciliabules prennent fin à la Préfecture, car les Grognards font leur entrée en ville. Enfin une ville, enfin une route, enfin des rues avec, en ce jour de marché, la foule qui acclame et se mêle aux soldats de I'île d'Elbe qu'on interroge avidement
.

 

Nous avons vu qu'un gendarme de Cannes était parti au triple galop vers Fréjus. De Fréjus, le brigadier porte la nouvelle à Draguignan au chef d'escadron qui réveille à 2 heures du matin le général Morangiès commandant la gendarmerie du département du Var. Mais contrairement à ce qui se passe d'habitude, la nouvelle passant de l'un à l'autre perd en intensité. Le gendarme de Cannes avait dit à Fréjus «le débarquement des troupes de l'île d'Elbe», sans parler d'ailleurs de Napoléon, le brigadier de Fréjus annonce à Draguignan que «50 hommes de la garde de l'ex-Empereur étaient arrivés de l'île d'Elbe.» C'est cette dernière information par l'intermédiaire de la Préfecture maritime de Toulon, que Morangiès fait parvenir au maréchal Masséna commandant à Marseille la II° région militaire. Le message que Masséna reçoit le vendredi 3 mars à 9 heure du matin est le suivant «Le préfet maritime est avisé que des grenadiers de l'île d'Elbe ont eu des congés pour revenir en France dans leur famille.» A ce moment, les Elbois quittent Séranon en direction de Castellane...

Le maréchal Masséna se borne à informer le ministre de la guerre, le maréchal Soult, et termine sa dépêche par ces mots: «Quant à moi, je suis de l'avis du préfet maritime, que ce n'est qu'un débarquement de quelques hommes ennuyés de rester à l'île d'Elbe.» L'estafette part pour Lyon et là, par le télégraphe aérien de Chappe, la nouvelle arrive à Paris.

Mais Masséna n'allait pas tarder à être mieux informé. Le comte de Bouthillier, préfet du Var, envoie le 2 mars un peloton de gendarmes à Cannes, et il apprend ainsi que Napoléon lui-même avec 1.000 hommes et du canon a pris la route de Grenoble. M. de Bouthillier transmet à Masséna, et en même temps une dépêche au préfet Duval à Digne, et au préfet Harmand à Gap. Masséna reçoit l'estafette le 3 Mars à 9 heures du soir, et sur le champ expédie un courrier à Paris par les mêmes voies que précédemment. Cette dernière dépêche arrivera d'ailleurs avant la première, le premier coursier s'étant fracturé la jambe après Aix-en-provence !... C'est celle qui donnera l'alarme aux Tuileries. Vous avez sûrement lu «La Semaine Sainte» d'Aragon ?

Le point le plus rapproché de Marseille sur la route que poursuit Napoléon est Sisteron, dont la citadelle commande le passage sur la Durance. Masséna, sans attendre le lendemain, ordonne au général Miollis de prendre le 83° de ligne plus 6 compagnies du 58° et de se porter en hâte sur Sisteron. Ce général Sextius de Miollis, compagnon de La Fayette pendant la guerre d'indépendance des Etats-Unis, s'est illustré lors de la prise de Nice en 1792, et sera le gouverneur de Rome de 1808 à 1814. C'est aussi le frère de Bienvenu de Miollis, l'évêque de Digne, ce qui ne l'empéchera pas d'avoir des démélés avec le pape Pie VII lors de l' occupation de Rome !

 

 DIGNE-LES-BAINS

Capitale de la lavande, ville thermale au cœur du Pays Dignois, est la préfecture des Alpes de Haute-Provence. 

Après un passage à l’office du tourisme nous montons dans la vieille ville, à part la cathédrale St Jérôme, nous sommes déçus de la promenade. Finalement, il n’y a que la place Charles de Gaulle qui mérite le détour et sans doute la maison Alexandra David Néel, mais qui n’ouvrira ses portes qu’au mois de Juin, dommage...    

Avant de trouver un parking pour la nuit, nous allons voir une curiosité unique en son genre à 2 km au nord de la ville, sur la route de Barles - la dalle aux ammonites - un site naturel remarquable constitué d’une strate rocheuse contenant un très grand nombre d’ammonites fossilisées.

 

 

A midi, Napoléon, à cheval au milieu de ses officiers, en tête de son bataillon, au son des tambours, rentre à Digne par la rue de la Mère-de-Dieu qui débouche aujourd'hui près du Conseil Général des Alpes de Haute Provence. L'Empereur va s'installer à l'auberge du Petit Paris, tenue par Bausset (plaque commémorative sur la maison à l'angle de la rue du Jeu-de-Paume et du Cours des Arès), où il va déjeuner avec les notables. Il demande à voir le préfet, on lui dit qu'il est en tournée... La troupe s'en va bivouaquer sur le Pré-de-Foire et au cours des Arès.

Pendant cette halte, Marchand, le premier valet de chambre achète pour l'Empereur un petit chapeau rond, Cambronne fait imprimer les proclamations, et le général Bertrand écrit au général Loverdo pour l'engager à se joindre avec ses troupes «
aux braves de la garde impériale». Sans résultat. Il écrit également au préfet M. Duval pour lui dire de revenir dans son chef-Iieu, l'Empereur ne désirant «opérer aucun changement dans la marche ordinaire de son administration».

Napoléon ne verra pas l'évêque de Digne, Mgr Miollis resté dans sa cathédrale St Jérôme. C'est cet évêque qui servira de modèle à Victor Hugo pour en faire un personnage des Misérables: Mgr. Myriel. Par contre, Pierre Morin, un ex-forçat que Mgr. Miollis a recueilli chez lui comme factotum, rejoint les soldats et demande à faire partie du bataillon. Il ira jusqu'à Paris et finira à Waterloo: c'est lui le Jean Valjean du roman.

Digne-Ies -Bains est une station thermale depuis que les Romains y on découvert les sources chaudes à 43°, sulfurées, sodiques et calciques. Digne = Din-ia, eau chaude en celtique, est une capitale de la lavande C'est aussi une ville touristique sous le ciel le plus pur de France. Les amateurs de botanique se feront plaisir au Collège Maria Borrély dans l'ancien Couvent des Cordeliers, une collection de plus de 350 plantes aromatiques, potagères et médicinales sauvages dans une architecture typique des jardins en carreaux du Moyen Age. A St Benoît, la réserve géologique de Haute-Provence propose des visites sur le terrain. Cette région permet de suivre 300 millions d'années sur un espace de 20 km !
Et les amoureux de la montagne ne manqueront pas de faire un crochet par la Fondation Alexandra David Néel: cette femme extraordinaire qui réussit déguisée en mendiant, à pénétrer en 1924 à Lhassa, la ville interdite. Cette exploratrice-écrivain a consacré sa longue vie (elle est décédée à 101 ans) à l'étude et à la découverte du Tibet et ces deux grandes passions ont fait d'elle dans sa jeunesse une anarchiste et dans sa vieillesse une des plus sage libre penseur de notre siècle. C'est la vieille dame indigne de Digne.

 

A l'auberge du Petit Paris, on s'apprête à prendre la route pour Malijai, où Cambronne doit faire le logement. Tant qu'on avait suivi les sentiers des Alpes, on marchait sans ordre, tantôt en groupes, tantôt en file indienne. A la sortie de Digne, l'Empereur divise sa petite armée en 3 groupes échelonnés.

En tête marche le colonel Mallet avec les 3 compagnies de chasseurs à pied de la vieille garde, les marins et les lanciers polonais, montés ou non montés (la plupart trouveront des chevaux entre Digne et La Mure).

Ensuite vient le capitaine Loubers avec 3 compagnies de grenadiers, les canonniers et une trentaine
d'officiers sans troupe. C'est dans ce groupe que se trouve l'Empereur, l'état-major et le trésor.
Ferment la marche les fusilliers du bataillon corse du commandant Guasco. Le général Drouot, avec un peloton, demeure en arrière-garde. Il reste à Digne quelque temps pour attendre que l'imprimeur ait fini son travail.

 

On passe la Bléone et on se dirige sur la Durance à Malijai, distant de 20 km, où Cambronne a réquisitionné le Château de la famille Noguier, appartenant à l'ancien receveur général des finances de Provence.

 

Parking avant l’entrée du musée géologique, montée du Parc Saint-Benoît.

  

 

Dimanche 21 avril 2019    

MALIJAI

Village provençal sur la Bléone accueille les voyageurs par un sympathique panneau « Napoléon s’y est arrêté, pourquoi pas vous ? », sauf que nous nous y sommes arrêtés, mais nous n’avons pas vu le panneau...

 

Le château de Malijai a été édifié entre 1635 et 1643. Il fût acheté en 1759 par un bourgeois marseillais, Pierre Vincent Noguier, qui investit beaucoup d'argent dans sa réfection. C'est son petit-fils Edouard Noguier qui fût l'hôte de l'Empereur et de ses officiers en 1815.

En 1924, Madame de Parseval céda le château à la société Péchiney. 56 ans plus tard, en 1980, cette même société Péchiney vendit à la commune de Malijai le rez-de-chaussée du bâtiment et ses jardins à la française.

Aujourd'hui, le château abrite la mairie de Malijai.

MALIJAI - SISTERON - GAP – DIMANCHE 5 MARS 

 

Napoléon boit son café à Barrême, quand Miollis se met en route. Sisteron est à peu près à égale distance de Cannes et Marseille. L'Empereur a donc deux bonnes journées de marche d'avance, quand il arrive à Malijai, accueilli dans la «Grand Rue» par le maire Jean-Baptiste Hughes.
Le propriétaire du Château, Edouard Noguier de Malijai ne fait aucun frais pour recevoir l'Empereur l'appelant ostensiblement «Monsieur». Il en a fait un récit publié en 1824, et paru dans l'Illustration du 26 septembre 1931 :

 

«Bonaparte, venant de Digne est arrivé à Malijay le 4 mars à 6 heures du soir. Il descendit chez le maire qui était allé au-devant de lui. Après quelques questions sur les propriétaires du château, il envoya un officier me demander si je voulais avoir la complaisance de le loger. Ma réponse fut: très volontiers. Alors il vint avec moi visiter les appartements, dit au domestique d'allumer du feu dans celui qu'il désigna et d'éclairer l'escalier. Cet ordre donné, il fut chercher Bonaparte qui arriva au bout de cinq minutes suivi de quelques officiers et de plusieurs valets de pied. Il monta précipitamment l'escalier et à peine dans sa chambre, fit demander le maître de la maison. Je fus introduit par un officier qui se retira et nous laissa seuls.

 

Bonaparte, vêtu d'une redingote grise était debout près de la table. J'avais passé la journée à la chasse et j'étais habillé en chasseur. Il me demanda d'on ton sévère :

-C'est vous qui êtes le maître de la maison ?
-Oui monsieur. -Je ne l'appelai jamais autrement. Il eut l'air de ne pas s'en apercevoir. Il me questionna sur ma famille et me congédia me disant :
-Je vous occasionne du dérangement, vous allez avoir de la besogne.

En effet, je trouvais le château rempli d'officiers. Une personne de la suite me demanda à plusieurs reprises des comestibles et surtout, force bouteilles de vin. A chaque demande, il avait soin de me recommander d'en tenir compte parce que l'empereur voulait tout payer. Je lui répondais :
-N'étant point dans une auberge, il n'y a point de compte à tenir.

Un officier m'ayant demandé une bonne bouteille de vin vieux, je le menai dans le caveau, nous y causâmes quelques minutes :

-Mais que diable venez-vous faire en France ? Quelles sont vos idées ? Quels sont vos projets ?

-Que voulez-vous, cet homme est parti de I'île d'Elbe comme s'il allait à la campagne. Personne ne savait où nous allions, à telle enseigne qu'un tel, persuadé qu'on allait en Italie, y a expédié sa malle, et s'est embarqué avec la chemise qu'il a sur le corps.

Les soldats qui bivouaquèrent en très grand nombre sur la place brûlèrent dans la nuit ma provision de bois de l'année. Les nuits étant fraîches, les feux furent si bien entretenus que le lendemain il se trouva plusieurs montagnes de charbon. Le souper fut très frugal et le déjeuner des officiers qui me firent l'honneur de m'inviter le lendemain matin le fut au-delà de toute expression, même mesquin. Des pièces de rôt furent empaquetés, beaucoup de ragoûts, de bouillon, de consommé furent mis dans des casseroles d'argent bien closes et dans des bouteilles. Les cuisiniers embarrassés de deux casseroles et d'une cuillère à pot, le tout en cuivre, marquées d'un N couronné, les laissèrent à l'une des femmes qui les avait aidés.

Au milieu de la nuit, une ordonnance arriva de Digne avec un gros paquet de proclamations qui venaient d'être imprimées à Digne. Bonaparte ne s'était pas couché. Il avait passé la nuit dans un fauteuil. Le 5, à 6 heures du matin, il descendit l'escalier avec précipitation, s'arrêta un moment sur la porte et parut étonné de voir tous les habitants du village rassemblés sur la place devant le château, dans un profond silence; il m'aperçut à peu de distance au bas d'un escalier et avait l'air d'attendre que je m'avançasse vers lui: je ne bougeais pas. Il repris un visage serein, monta à cheval et partit pour Sisteron. A l'instant, un officier vint s'informer à moi si l'on m'avait remis deux pièces d'or de 20 francs, s'excusant sur ce qu'il était chargé de la comptabilité. Il monta à cheval et me dit avant de partir :

-Si vous venez à Paris et que par hasard, nous y arrivions, venez me voir. J'aurai un véritable plaisir à vous être utile, vous pourrez vous adresser au général Deschamps ? J'ai su depuis que Bonaparte avait à sa suite un général appelé ainsi.» Dès l'arrivée à Malijai, l'Empereur donne l'ordre à Cambronne de s'avancer avec son avant-garde, à marche forcée, sur Sisteron. Napoléon, anxieux, ne se coucha pas, attendant des nouvelles de Cambronne. Son anxiété est motivée: «la Citadelle de Sisteron et son pont de la Baume, étaient le pas le plus difficile à franchir, il avait beaucoup à craindre puisqu'il ne fallait que peu de monde pour l'arrêter au passage de la rivière.» *

 

En fait le sort de Sisteron s'est joué à la Préfecture de Digne. Cambronne ne rencontre pas de résistance et pour cause, le commandant Machemin, commandant la Citadelle, a reçu des ordres du général Loverdo d'évacuer hommes et munitions. Déjà depuis le matin, le maire M. De Gombert parcourt la ville ayant appris que la gendarmerie a quitté Sisteron de bonne heure. Ami personnel du commandant Machemin, il cherche à le voir mais se heurte à la discipline militaire :

-Ne vous mêlez pas de cette affaire, lui dit Machemin, j'obéis à des ordres et ce que vous avez de mieux à faire est de rester tranquille, parce qu'en définitive c'est moi qui commande ici.

Le maire M. De Gombert rencontre alors le capitaine du génie Lavocat et le prie de venir à la mairie «pour nous guider et nous inspirer les moyens propres à nous opposer au passage de Bonaparte qui revient bouleverser la France et embraser l'Europe.» En fait le maire voudrait qu'il fasse sauter le pont.

Le capitaine Lavocat lui répond :
-Monsieur le maire, laissez moi tranquille, je ne me mêle point de cette affaire, ne comptez pas sur moi.»

Lavocat sera un des rares officiers à suivre l'escorte de l'Empereur. Quant au sous-préfet Bignon, qui avait rallié Napoléon en 1804, et qui l'admire toujours, il condamne la «trahison de l'usurpateur» mais reste dans une prudence calculée. Le soir, la ville est morne et accablée, tous se sentent abandonnés par les autorités de Digne qui ont retiré les moyens de défense en faisant évacuer militaires et munitions.

A minuit, Cambronne frappe à la porte de la Mairie, M. De Gombert comprend que tout est perdu. Une estafette galope vite vers Malijai, Napoléon apprenant que Cambronne est dans la place dit: «Nous voilà sauvés, nous sommes à Paris.».

 

 

Dix minutes avant l'arrivée de Cambronne, le général Loverdo occupait encore Malijai avec 18 gendarmes à cheval et les deux lieutenants de gendarmerie de Forcalquier et de Sisteron qui venaient de rejoindre. A l'approche de l'avant-garde, ils se sont hâtés de passer le pont sur la Bléone, pour s'éloigner sur la route des Mées vers le village d'Oraison.

 

Ce soir du samedi 4 mars, une dépêche venant du préfet du Var, parvient à la préfecture de Grenoble. Le préfet de l'Isère M. Fourrier et le général Marchand, commandant la place, troublés, se concertent pour tenir la nouvelle secrète afin de se donner du temps...Marchand expédie une estafette au commandant du 7° et du 11° de ligne de Chambéry et au 4° de hussards de Vienne pour qu'il rejoignent Grenoble à marches forcées pour renforcer la garnison composée du 5° de ligne, du 4° d'artillerie à pied, du 3° régiment du génie et d'un escadron de train. M. Fourrier s'occupe de rédiger une proclamation contre l'usurpateur à faire imprimer le lendemain.

 

En quittant Malijai, l'Empereur et son bataillon prennent la direction de L'Escale. On s'écarte donc jusqu'à Sisteron de la Route Napoléon. La RN 85 emprunte la rive droite de la Durance en passant par Château Arnoux et son beau château renaissance. Château Arnoux est une étape gastronomique très importante, avec une spécialité: les pieds paquets...

Mais nous prendrons tout de même la vraie route suivie par les grognards. La rue principale de L'Escale s'appelle d'ailleurs Route Napoléon. La Durance est maintenant canalisée et au barrage de L'Escale édifié en 1962, un petit lac partiellement envahi par les roseaux est devenu une réserve ornithologique (plus de 300 espèces d'oiseaux répertoriés). En suivant la départementale 4, en longeant la Durance, en admirant Château Arnoux sur l'autre rive, on atteint Volonne. On peut aussi aller à Volonne en passant par Château Arnoux et on franchit la Durance sur le pont suspendu. Il est important de passer sur la rive droite pour arriver à Sisteron, comme l'a fait Napoléon, par la Porte du Dauphiné, et donc par le fameux pont de la Baume.


Comme Napoléon nous nous mettons en route par l’Escale et Volonne, rive droite de la Durance sur la D4.

  

VOLONNE est un village médiéval que nous parcourons à pied. Passée la placette principale, près de l'église St Martin du XI° siècle, on peut monter aux deux tours sarrasines qui dominent le village : la Tour de Gué (XIIIe) est une ancienne forteresse, et la Tour de l'Horloge (XVIe) est l’horloge communale. Bon, on se contentera de prendre des photos d’en bas...

Le 5 mars 1815, les grognards y font une halte, dans l'auberge du «Poisson d'Or» où Napoléon déguste un canard aux olives... Sur une pierre dans le pignon d'une vieille maison, on peut lire «eishi lou de 5 mars 1815 Napoléon P.P.» Les locaux assurent la traduction suivante «Ici, le 5 mars 1815, Napoléon Passa et Pissa!».

SISTERON

Nous arrivons bientôt en vue de Sisteron, la fière et imposante citadelle surplombe la Durance. Henry IV se plaisait à dire qu’elle était «la plus puissante place-forte de son royaume».

Ville natale du poète Paul Arène (1843-1896), labellisée « 100 Plus Beaux Détours en France et Ville Fleurie trois fleurs.
« Sisteron, Porte de la Haute-Provence » est un passage entre les Alpes  et la mer. « Ici finit un pays, un autre commence ! ».
La Durance, impétueuse rivière, perce courageusement «la cluse majestueuse» pour venir caresser inlassablement les remparts de la vieille ville. Le rocher de la Baume présentant des strates verticales de calcaire, réputées dans le monde entier et considérées par les géologues comme une véritable curiosité
La vieille ville offre un dédale d’escaliers et de petites rues voûtées baptisées «andrônes », suivant naturellement son étagement si pittoresque, pour atteindre l’altière Citadelle,

 

Vers les 11 heures, l'Empereur s'arrête dans le faubourg de la Baume, s'assied sur le parapet du pont sous lequel passe la Durance «à toute volée» et laisse défiler la troupe en criant aux hommes: «Soldats, nous sommes à Paris !». Pendant ce temps, à l'hôtel de ville, grandes discussions au sujet de la réception: le maire M. De Gombert répugne à se rendre au-devant de Napoléon: «De grâce Messieurs, ne donnez pas un air de fête à cette pénible corvée ! ».

Mais au sein du conseil municipal, MM. Latil et de Burle, tous deux ex-constituants, arrivent à convaincre le maire que  «c'est là un cas de force majeur, auquel il ne convient pas de résister et que c'est un sacrifice dont les concitoyens ne peuvent manquer de tenir compte». Le maire se mit donc en marche, sans costume et rencontra en route le sous-préfet Bignon, qui s'y rendait comme lui. Le rapport du préfet précise: «M. Bignon et le Maire furent le 5 mars à la rencontre de Bonaparte, ce n'est qu'après plusieurs sommations du général Cambronne qu'ils se déterminèrent à cette démarche.»

Pour entrer en ville, Napoléon prend un chemin en raidillon qui l'amène directement aux aires Saint-Jaume devant la porte du Dauphiné. Cette précision fait mieux comprendre que Napoléon, venant de Provence, ne franchit pas comme la logique le voudrait la porte de Provence, mais au contraire la porte du Dauphiné, puisqu'il est arrivé par la rive gauche de la Durance. Le commandant de la garde nationale, Edouard de Laplane dit à son fils aîné qui l'accompagne: «
Regarde bien cet homme, tu le verras plus que dans l'Histoire

 

L'Empereur se dirige ensuite vers l'hôtel du Bras d'Or tenu alors par le grand-père de Paul Arène, le grand poète provençal. L'hôtel n'est plus, mais la maison existe encore rue Saunerie, indiquée par une plaque commémorative. Il reçoit les autorités. Parmi les adjoints au maire, il y a M. Laugier, au nom de Laugier, Napoléon remarque: «Vous portez, Monsieur, le nom de l'auteur d'une histoire de Venise fort estimée.» Interloqué, Laugier répond: «Sire, c'était mon oncle

 

Après les autorités municipales, il reçoit des anciens soldats de l'empire, officiers et sous-officiers en retraite ou en demi-solde, et les invite à se joindre à son bataillon. Le capitaine du génie Lavocat et son fils, un ancien tambour, un militaire retraité titulaire de l'entrepôt des tabacs vont suivre. A la suite de ces entretiens et après avoir déjeuné, il est temps de repartir.

 

M. De Gombert raconte: «Quelques instants avant l'heure où Napoléon quitta Sisteron, une vingtaine de cavaliers formant une escorte vint se ranger en bataille devant l'hôtel de Bras d'Or et lui faisant face. Parmi ces cavaliers, il en était un qui fixait plus particulièrement l'attention. C'était un homme jeune encore, au teint basané, à la moustache longue et tombante. Il était coiffé d'un turban écarlate de forme haute qu'on pourrait comparer à un shako sans visière; il avait une veste et une culotte turque de couleur rouge; ses jambes étaient enfoncées dans de longues bottes à l'écuyère; il portait à la ceinture, du côté droit deux pistolets et du côté gauche un long poignard; un sabre bancal pendait du même côté. Enfin il avait mis en bandoulière une carabine tromblon, dont la gueule évasée s'apercevait au-dessus de son épaule gauche. Ce singulier cavalier avait les bras croisés sur le pommeau de sa selle et paraissait très fatigué.» Vous avez reconnu, bien sûr, le piqueur St Denis, plus connu sous le surnom de Mameluk Ali. Ce jeune Versaillais de 27 ans, Sera le futur bibliothécaire de Ste Hélène...
En sortant, une couturière apporte un drapeau tricolore qu'elle vient de confectionner. St Denis relate dans Ses mémoires: «Lors du débarquement on n'avait point d'aigle. Ce n'est qu'au troisième jour qu'on en avait eu un; il était en bois doré, provenait de quelque flèche de lit ou de quelque tringle de fenêtre, mis au bout d'un bâton avec des morceaux d'étoffes de trois couleurs qu'on avait clouées: on avait fait un drapeau.» La couturière est embrassée par Napoléon qu'elle suit jusqu'au pont du Buech, la main appuyée sur un des genoux de l'empereur.

Ainsi se termine l'étape à Sisteron. En attendant le général Drouot et son arrière-garde, vous visitez la Citadelle par le petit train. C'est incontournable. La Citadelle, monument classé historique, est l'oeuvre de Jean Erard, l'ingénieur militaire d'Henri IV, puis agrandie par Vauban au XVII° siècle. La visite est fléchée et sonorisée: donjon, chapelle, musée iconographique sur l'histoire de la citadelle et sur Napoléon, musée hippomobile, point de vue... A voir également, la cathédrale Notre Dame des Pommiers, bel exemple de l'art roman lombard-provençal, les Tours, la vieille ville dont les petites ruelles dégringolent jusqu'au magnifique plan d'eau (d'où ce dicton, qui dit qu'à Sisteron les ânes sont logés au troisième étage).

 

A escalader, bien sûr, le Rocher de la Baume; il faut quelques heures pour faire le tour du rocher pour passer un défilé rocheux, admirer l'église St Dominique qui veille sur les émouvants vestiges de l'ancien couvent dominicain, puis le Trou de l'argent, une bien curieuse grotte, et découvrir le panorama sur Sisteron depuis le sommet de la Baume. A ce moment vous penserez à l'enfant du pays Paul Arène, le grand écrivain provençal à qui on doit Jean des Figues, et dans son ceivre, Sisteron devient Canteperdrix. On dit aussi qu'il a écrit «Les Lettres de Mon Moulin» qu'il aurait donné à Alphonse Daudet contre un verre d'absinthe !... Paul Arène est mort à Antibes en 1896.

 

Sisteron devient après ce dimanche 5 mars un enjeu entre les royalistes et les bonapartistes. Dès le 7 mars, les troupes royalistes s'y réunissent sous la direction du général Miollis. Leur premier but est de couper la retraite de Napoléon qui pense-t-on peut être arrêté plus haut et devrait donc redescendre sur le Midi. C'est de Sisteron que partiront les expéditions conduites par le général Loverdo sur La Saulce et le général Gardanne sur Clelles. En avril, le préfet M. Didier remplacera M. Bignon, et le commandant de la garde nationale Edouard de Laplagne, remplacera M. De Gombert à la mairie, pour cent jours...En Août 1815, après Waterloo, Autrichiens et Piémontais occuperont la ville. Le commandant Machemin s'enfermera et résistera dans la citadelle avec armes et provisions...
Il y a 48 km pour rejoindre Gap. Nous entrons ici dans de larges vallées aux routes rectilignes, nous sommes dans le verger des Alpes, le pays des arbres fruitiers de toutes sortes: le Gapençais et ses vieux villages épars, Le Poët, Roubereau, Ventavon, Monetier Allemont, La Saulce.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'étape LES ALPES

 

 

Déja parcourue en Juillet 2014

 

avec Miss Emilie...

 

ETAPE DES ALPES

 

 

Du côté de chez nous...

Bien que situés dans les Hautes-Alpes, nos 4 villages du Laragnais rappellent encore La Provence par leurs couleurs et leurs parfums. Bordés par les rivières du Buëch et de la Durance, Le Poët, Upaix, Ventavon, et Monêtier-Allemont, regorgent d'un incroyable patrimoine culturel et naturel. Les paysages sont à couper le souffle : de magnifiques vergers de pommiers, d’immenses champs de lavande et de tournesols, … Personne ne peut résister au charme de ce territoire !

 

Le Poët (23 juillet 2014)

 

1ère étape haute-alpine

 

Le Poët est construit sur les rives de la Durance.

Sur la colline qui domine la plaine agricole, le cœur du village groupe ses vieilles maisons autour de l’église Saint Pierre restaurée au début du XIXème siècle, avec son clocher du XIème siècle et sur la façade, un très beau cadran solaire contemporain qui représente l’équilibre dont la devise est « regarde mon ombre, tu verras ta vie ».

 

Notre 1er arrêt sera pour la célèbre confiserie Canteperdrix qui est installée à l’entrée sud du village. Malheureusement l’usine ne se visite pas et le magasin est exceptionnellement fermé ce mercredi (Marine, tu n’auras pas de calissons…)

Il est passé par là…

 

Dimanche 5 mars 1815 vers 15 heures. Napoléon se serait assis sur un banc devant la bâtisse du bourgeois Amat Laplaine pour se reposer (bâtisse détruite pour améliorer la circulation en 1941). Ce dernier lui offrira un verre de vin et une pomme, entouré par tous les notables. Il est dit que le Curé pourtant demandé par Napoléon, ne voulait le saluer, mais il y fut contraint devant les forces armées. Il écrira ensuite «L'Usurpateur a traversé le village ce jour et a usé vis à vis du ministre du culte de paroles malsonnantes...»

Devant l’église du village, un banc et une plaque commémorative, rappellent le passage de l’empereur.

Sur la plaque l’on peut lire en français et en anglais «L'Empereur, après avoir tout juste obtenu le droit de passage dans l'étroiture des rochers au confluent de la Durance et du Buëch, éprouva le besoin de s'asseoir au village du Poët où on lui apporta un fruit et un verre de vin».

 

Il faut monter sur la tour de la Ville-Haut pour découvrir un magnifique panorama à 360° sur la vallée de la Durance et les sommets environnants. Une table d'orientation est installée au sommet. L'horloge porte les armoiries de la famille de Rame, propriétaire du Poët, au 14ème siècle.

 

Upaix

 

Très beau village perché avec une vue panoramique sur la vallée de la Durance et du Buëch, depuis sa table d'orientation..

On y découvre aussi la Chapelle des Pénitents Saint Sébastien et son cadran solaire dont la devise est « Toi qui me regarde, écoute : accorde le rythme de ton cœur aux battements de mes instants. Comprends-tu maintenant comme il est temps d’aimer ».

Une belle église classée (XIVe - XVIIe siècles).

 

Il fait très chaud, Emilie me dit "Souffrir pour être belle d'accord, mais souffrir pour étudier pas d'accord".

Ah Napoléon, si tu entendais !!!

Sur la place, on y admire le  porche à arc brisé datant du XIVème siècle qui constituait l'entrée du bourg, il appartenait à la demeure seigneuriale (demeure privée inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques). En sortant du village, un joli lavoir.

Monsieur de St Genis, maire d'Upaix a laissé dans les Annales des Basses Alpes un récit du passage de Napoléon: «Je fus environné d'une partie des fidèles qui formaient l'escorte de l'Empereur et particulièrement du brave Jermanowski dont le nom est cher à tous les Français ... Ils rirent avec moi du grotesque matériel qui composait leur bagage. Imaginez-vous une foule d'officiers supérieurs cheminant lentement, hissés sur de tristes rosses arrachées à la culture et en grand nombre sur des mulets rétifs qui reculaient au lieu d'avancer, quelques mauvaises selles et de bardes grossièrement sanglées, marchant pêle-mêle avec une gaieté folle et vous avez une faible idée de cette caravane. Quelques lanciers polonais, talonnant leurs chétives montures ouvraient et fermaient la marche. Ils étaient suivis à peu de distance du bataillon des grenadiers dont les moustaches grisonnantes et le teint noirci présentaient un ensemble effrayant et justifiaient l'épithète de vieux grognards. Ces braves, les uns à pied, les autres sur des charrettes et des montures de tout genre faisaient retentir les airs de chants français... Ensuite venaient les chasseurs Corses et Elbois, environ 400 hommes, petits mais robustes; ceux-ci formaient l'arrière-garde commandés par le général Drouot qui s'avançait gravement à leur tête.»

De la Nationale, on aperçoit Ventavon, un joli village fortifié autour de son château. 

 

 

Monêtier Allemont

Le village de Monêtier-Allemont  est bâti sur l'emplacement d'un ancien site gallo-romain. Pas grand-chose à voir si ce n’est un cadransolaire contemporain qui orne le mur de la coopérative. La devise « Qu’elle soit aimable celle que tu désires »

 

Napoléon poursuit son chemin en direction de Gap et s’arrête à Monêtier-Allemont au Relais de Poste pour se reposer et changer les chevaux. Il en profite pour se réchauffer au coin du feu.

Non loin se situe le château de Vitrolles dont le Baron est royaliste; il sera d'ailleurs ministre sous Louis XVIII. Et c'est pour cela que Napoléon préféra l'éviter.

 

 

La Saulce

 

La Saulce existait dès le XIIIe siècle.

 

A La Saulce, les soldats font une halte dans la rue principale, et près de l'église. Les habitants des communes voisines avertis par la rumeur attendent à l'entrée du village. Chacun veut voir l'Empereur, le toucher, donner du vin et des vivres aux hommes.

 

Les bourgeois marseillais partisans de Louis XVIII, ont voulu arrêter Napoléon. Mais ceux-ci ont subi une humiliation par les gapençais, ralliés à l’Empereur. Depuis cette expression : "Tremper une fameuse sauce à la Saulce".

 

 

Tallard

 

Tallard est une petite ville située au Sud des Hautes-Alpes, aux portes de la Provence.

Le centre médiéval possède de nombreux vestiges du passé, portes, lavoirs, porches, fontaines... mais surtout l'église paroissiale, dédiée à St Grégoire, classée monument historique.

 

Aux abords du centre historique se trouve le Parc de La Garenne, classé parmi les sites pittoresques du département depuis le 8 mars 1958. Le parc à un accès direct au château médiéval du XIV° et XVI° siècle, classé monument historique. Une fresque représentant un soldat napoléonien s’abrite dans la chapelle du château.

 

Gap

 

Gap « capitale douce », c’est le mariage de la lavande et de l’edelweiss imaginez un cœur de ville ocre, dans un écrin de montagnes : des façades colorées aux teintes pastels, des places riantes, des fontaines, la capitale des Alpes du sud a un je ne sais quoi d’Italie. Et un environnement XXL : des sommets à 3000 mètres, des stations de ski à portée de spatule, le Queyras et le Parc des Ecrins pour voisins !

Entre Provence et Dauphiné, la ville bénéficie d'un climat alpin tempéré par la proximité de la Méditerranée.

L’aigle sur la RN85 à l’entrée sud de Gap

 

D’après les traditions gapençaises, Cambronne entra dans la ville vers 17 heures. Plusieurs personnes se portèrent à sa rencontre, lièrent conversation avec lui. Le général lança divers ordres de réquisition et fit retenir, pour le logement de son maître, l’auberge tenue par Marchand, rue de France, qu’on lui avait signalée comme étant la moins mauvaise. Sans que personne intervint, il donna l’ordre de faire placer des lumières à toutes les fenêtres donnant sur les rues et de poster un piquet de garde nationale place Saint-Etienne (actuelle place Jean Marcellin). Il fut obéi.

Rue Colonel Roux
Rue Colonel Roux

Vers 21 heures, Napoléon arriva à son tour avec 500 hommes environ. Il se présenta Porte Colombe pour remonter la rue Colonel Roux (en 1815, rue de Provence), toute illuminée par des flambeaux. Venait d’abord un escadron de cavalerie sonnant de la trompette puis des « officiers » marchant à pied, avec des sacs sur le dos, jetant des pièces de monnaie à la foule descendue dans la rue pour voir passer le cortège. Napoléon était monté sur un cheval persan gris et, à droite et à gauche de lui, marchaient des soldats l’arme au bras, qui criaient de temps à autre : « Vive l’Empereur », mais leurs voix n’avaient que peu d’échos. L’Empereur témoigna cependant son contentement : « Je suis tranquille depuis l’heure où j’ai mis le pied sur le territoire des Hautes-Alpes ».

La colonne débouche sur la Place Jean Marcellin (en 1815 Place St Etienne), le piquet de la garde nationale en grande tenue présente les armes pendant que le tambour bat «Aux champs». S'adressant au Général Bertrand qui l'accompagnait, Napoléon lui dit : " Enfin ! nous sommes vraiment en France."

Arrivé rue de France, il descendit à l’auberge Marchand. Quant aux troupes, elles bivouaquèrent dans les rues.

 

Toute la nuit du 5 au 6 ars, sur la Place du Marché, près de l’auberge ou Napoléon prenait du repos, de jeunes gapençais dansèrent autour d’un grand feu, en célébrant l’Empereur par des chants improvisés où ils l’appelaient leur « sauveur », leur « père ».

 

C’est à Gap que la petite armée impériale arbora le drapeau tricolore ; celui-ci fut sans doute extrait des greniers de la mairie. Par contre, elle abandonna le fanion vert semé d’abeilles d’or, chargé d’un cor (l’étendard des chasseurs de la garde), qu’elle avait suivi jusqu’à ce jour. Abandonné d’abord à un quidam qui s’en servait comme torchon, cet étendard fut reconnu, mis en sécurité à la Mairie, placé enfin au Musée de Gap où il se trouve toujours.

 

 

A peine arrivé à l'hôtel Marchand, Napoléon fait appeler les autorités. Mais le préfet Harmand s'est réfugié à St Bonnet, où il manquera d'être pris par Cambronne. Le général Rostolland, commandant le département est resté cantonné à Embrun avec la garnison. Le maire est le chevalier d'Abon, colonel du génie en retraite, 66 ans, avec sa coiffure à la Mirabeau, poudrée à la volée. Au bas des escaliers, il est reçu par le général Bertrand, son ancien frère d'armes. Ils s'embrassent, «Allons, venez d'Abon, l'empereur vous attend.» Aussitôt introduit :
Que pensez-vous de notre retour, monsieur le maire ?
- Je crois, Monsieur, répond imperturbable M. d'Abon, qu'il est malheureux pour la France comme pour vous...
Comment ne réussirais-je pas ? J'ai l'armée pour moi.
- Et le peuple ?

 

 

GAP - CORPS – LUNDI 6 MARS

 

 
Le lendemain matin quartier libre. En quatre jours depuis Vallauris-Golfe-Jouan, les soldats ont parcouru près de 200 km, dans la montagne, sous la neige et dans des conditions particulières, quoique toujours bien accueillis par la population, et dans la joie d'avoir retrouvé la patrie. Les hommes ont besoin de souffler... Ce lundi 6 mars, à 8 heures, le général Drouot, avec l'arrière-garde, quitte Sisteron pour Gap, serrés de près par les troupes royalistes. Au même moment, le général Cambronne, avec l'avant-garde, quitte Gap pour monter le col Bayard.

Dès 6 heures du matin, l'Empereur s'entretient avec M. Farnaud, secrétaire général des Hautes-Alpes. Il l'interroge sur l'ensemble de l'administration et de l'économie du département. Il promet de revenir: «lorsque la paix sera rétablie, j'occuperai mes loisirs à parcourir en personne les départements pour y répandre des bienfaits et le tour de Gap viendra.»).

Gap, le 6 mars 1815

NAPOLEON, par la grace de Dieu et les Constitutions de l’Empire, Epereur des Français, etc, etc, etc.

Aux Habitants des Départements des Hautes et Basses Alpes,

Citoyens,

J'ai été vivement touché de tous les sentiments que vous m'avez montrés ; vos vœux sont exaucés. La cause de la Nation triomphera encore !!! Vous avez raison de m'appeler votre père,  je ne vis que pour l'honneur de la France. Mon retour dissipe toutes vos inquiétudes ; il garantit la conversion de toutes les propriétés, l'égalité entre toutes les classes, et les droits dont vous jouissiez depuis vingt-cinq ans et après lesquels nos pères ont tous soupiré, forment aujourd'hui une partie de votre existence.

Dans toutes les circonstances où je pourrai me trouver, je me rappellerai toujours avec un vif intérêt tout ce que j'ai vu en traversant votre pays.»

Signé 

Par l’Empereur : Le grand Maréchal faisant les fonctions de Major général de la grande armée.

Signé BERTRAND

 

On fait imprimer la proclamation à l'imprimerie Genoux que Drouot ira prendre dans la soirée. A la mairie, pour marquer la satisfaction que lui avait procuré l'accueil chaleureux de la ville, Napoléon fait don de son étendard personnel, le fanion des chasseurs à cheval de la garde, en soie verte, marqué du cor des chasseurs et semé d'abeilles d'or. C'est ce fanion qu'on peut voir au musée de Gap. Ce musée, une création du préfet Ladoucette, présente une maquette révélatrice de ville de Gap fortifiée au XVI° siècle, ainsi qu'une belle collection d'armes, de peinture, de céramiques et de meubles du Queyras. Il est installé dans l'ancien séminaire rue Colonel Roux.

En milieu de matinée, survint un accident peu banal. Farnaud, secrétaire général à la préfecture, le rapporte ainsi : « Tout à coup une explosion sourde se fait entendre, elle part de l’appartement occupé par Napoléon. Un cri effrayant s’élève dans la rue : l’Empereur est assassiné ! Tout s’émeut, tout s’agite : les soldats se précipitent vers la maison. L’alarme ne fut que d’un instant. Les premiers qui arrivèrent près de Napoléon le trouvèrent au milieu d’une fumée fort épaisse, ayant un pistolet à la main. Seul et pour occuper peut-être son loisir, il avait fait un grand feu, et avait enflammé la cheminée. Sans perdre son sang-froid il avait tiré son arme dans le tuyau, et la suie allumée était tombée dans le foyer par l’effet de l’explosion. Ayant appris que l’alarme était dans la rue. L’Empereur s’empressa de paraître à la fenêtre ».

 

Lorsque l’Empereur, après avoir déjeuné avec quelques notable, prend congé de son hôte le sieur Marchand, il fait cadeau aux deux fillettes de l'hôtelier, Lisette et Félicité, d'une paire de ciseaux de sa trousse en leur disant: «Quand vous broderez, Mesdemoiselles, cet objet vous rappellera la passage de Napoléon à Gap et son hébergement chez Monsieur votre père !».

 

L'Empereur monte dans une calèche achetée par Peyrusse, à M. De Bourcieux, pour le prix de 1.400 frs, et quitte Gap par la porte Lignole et le pont de Burle qui enjambe la rivière de Bonne.

 

Ce 6 mars à 14 heures 30, toute la ville se porta sur son passage chapeau bas, ne ménageant pas ses acclamations. L’arrière-garde des troupes quitta Gap vers 15 heures.

Ce vieux pont est maintenant encerclé d'habitations et a demi caché par la végétation

L’Aigle au départ des premiers lacets du col Bayard.

 

 

Le col Bayard

 

 

Parti de Gap le lundi 6 mars, Napoléon franchit par temps de neige le Col Bayard.

Sommet de la Route Napoléon, du haut de ses 1246 mètres d'altitude, le col Bayard surplombe la ville de Gap. Une courte halte aux tables d'orientation nous permet d'admirer les vallées du Gapençais.

 

 

La Fare en Champsaur

 

Au lieu-dit Les Baraques, la colonne est arrêtée par les habitants de La Fare et de St Bonnet où le marché a amené une grande affluence. Voyant le petit nombre de soldats qui l'accompagnent, ils proposent à Napoléon de sonner le tocsin pour rameuter des volontaires. «Non, dit l'Empereur, vos sentiments me font connaître que je ne me suis pas trompé, ils sont pour moi un sûr garant des sentiments de nos soldats. Ceux que je rencontrerai se rangeront de mon côté. Plus ils seront, plus mon succès sera assuré. Restez donc tranquillement chez vous... » raconte Peyrusse dans ses mémoires. Un monument sur le bord de la route, face au restaurant La Halte de l'Empereur, commémore la scène.

Monument au lieu-dit "Les Baraques"
Monument au lieu-dit "Les Baraques"

On se remet en marche, longeant le Drac.

 

Pendant ce temps à Grenoble, le général Marchand convoque chez lui dès le matin, tous ses officiers généraux et les colonels des régiments. Tous protestent de leur fidélité au roi. Puis on délibère pour savoir si on marche contre Bonaparte ou si on l'attend derrière les remparts. On décide de se mettre en mouvement le lendemain, car il faut d'abord s'assurer de la fidélité des troupes et leur faire prêter un nouveau serment. Marchand veut passer cette revue, mais les chefs de corps ont la franchise de lui rappeler que «son empressement à proclamer la déchéance de l'Empereur, l'année dernière, avait affaibli son influence sur les soldats.
Ce 6 mars 1815, il se résout à fermer les portes de la ville pour éviter les désertions. Il fait mettre la place en état de défense, hisser les canons sur les remparts, en tout 47 pièces en batterie. Il fait dresser des abris de rondins devant les portes de Bonne et de Très Cloîtres, et expédie à La Mure une compagnie de génie et un bataillon du 5° de ligne pour faire sauter le pont de Pont-Haut.

 

Le préfet M. Fourrier est affolé par l'orage qui se prépare à lui tomber sur la tête. C'est un mathématicien qui a fait partie des scientifiques qui ont accompagné le général Bonaparte, pendant la campagne d'Egypte, en 1798. Il est préfet de l'Isère depuis 1802, et veut bien se dévouer pour les Bourbons mais pas jusqu'au martyr...

 

St Bonnet en Champsaur

 

Patrie de François de Bonne, duc de Lesdiguières et dernier connétable de France.

 

A St Bonnet-en-Champsaur, l’Empereur mande le Maire par l’un de ses officiers ; mais Jean-Joseph Achard lui fait répondre : « En qualité de maire je siège à la maison commune. C’est ici même, si l’on se dit Empereur, qu’on doit se rendre en personne si l’on a des affaires à traiter ! ». Devant cette attitude, Napoléon aurait déclaré : « Il n’y a d’homme libre et fière que dans les montagnes ».

 

Près de Poligny, un vieux grenadier nommé Gentillon, originaire du Champsaur, a obtenu la permission de devancer la colonne pour aller embrasser son vieux père, un paysan de l’Aullagnier. Au passage de l’Empereur, alors que la population s’agglutine autour de Napoléon, ce soldat lui présente un nonagénaire paralysé, presque aveugle, qui ne veut pas mourir sans avoir vu son souverain. L'Empereur l'embrasse et donne au vieillard une bourse renfermant 25 napoléons.

 

 

Le Noyer

La Route Napoléon circule sur la commune du Noyer, traversant notamment le hameau de La Guinguette. Une plaque apposée sur l'une des maisons indique que l'empereur Napoléon s'y arrêta le 6 mars 1815.

 

Suite à son passage, et pour remercier les habitants de leur accueil, Napoléon fait don d’une somme importante au département qui servira à construire 6 refuges. Le but est de sécuriser le passage de col dangereux en construisant des maisons de secours qui font communiquer deux vallées. En Champsaur & Valgaudemar, deux refuges furent construits : le refuge du Col de Manse et celui du Noyer.

Ce dernier, construit en 1854, fut détruit par un incendie en 1947 et reconstruit à l'identique vers 1955.

 

 

Le Motty

 

Par Chauffayer, on monte à Corps, par la rampe du Motty. On quitte la région Alpes-Côte d'Azur pour entrer dans la région Rhône-Alpes. Corps est le premier village de l'Isère.

 

 

Corps

 

Une halte privilégiée par le pèlerinage de Notre-Dame de la Salette. Elle peut être aussi une merveilleuse étape gastronomique, si on s’y arrête pour déjeuner au relais de la Poste.

Cambronne a fait le logement dans l'Hôtel du Palais, situé dans la Grand Rue.

La route d'alors empruntait dans le village un tracé différent de la nationale 85, et l'entrée du village se faisait par la rue de Lara, le long des anciens remparts. Napoléon couche dans une chambre du 2ème étage de l'hôtel tenu par Dumas. Cet établissement sera transformé plus tard en couvent par les religieuses de la Providence, la chambre historique deviendra une salle de classe que fréquentent deux bergers devenus célèbres par l'apparition de La Salette : Mélanie Calvat et Maxime Giraud. En 1910, le couvent sera remplacé par une gendarmerie, qui, ensuite, laissera la place à une maison de retraite !...

 

Avant la nuit, il se fera couper les cheveux et mangera une omelette, il restera une phrase de Napoléon lors de ce passage à Corps «Corpatus je me sens ici comme chez moi». Une plaque commémorative, figure sur la façade de la maison : «Ici a logé du 6 au 7 mars l’Empereur  Napoléon revenant de l’Ile d’Elbe».


Les « puristes » remarqueront que l’aigle représenté sur cette plaque est en fait un aigle autrichien : sa tête est tournée du mauvais côté.

 

 

Lorsque l'hôtelier Dumas quitta le bâtiment de la Grand Rue pour s'installer rue des Fossés, toujours à l'enseigne de l'Hôtel du Palais, une plaque commémorative fut apposée sur ce qui est aujourd'hui une banque. C'est une erreur que le maire de Corps, le docteur Cardin a réparé en faisant replacer la plaque commémorative sur l'ancienne maison de retraite Hostachy. La nationale 85 longe extérieurement le vieux bourg et forme une large rue pittoresque, tracée sur les anciens fossés. On y voit l'abside de l'église, et à côté une vieille fontaine à vasque polygonale. Si on veut se rendre compte de l'aspect ancien de Corps, on descend par des ruelles jusqu'à l'ancienne Grande Rue qui était la seule route au temps de Napoléon.

 

Le général Drouot a distribué les affiches à Gap et avec son arrière garde rejoint La Fare en Champsaur. Le général Miollis (qui, prudent, a conservé dans sa poche une cocarde tricolore), est à Sisteron, avec ses troupes royalistes. Pour eux, il est urgent d'attendre. Ils seront à Gap le 9 mars... «Bonaparte est dans la souricière disait le maréchal André Masséna, ce sera la fin de sa folle équipée ! ». En effet, le général Miollis au sud, le général Gardanne à l'ouest, et le général Rostollant à l'est, sans compter la garnison du général Kerverseau à Briançon, il serait aisé de retarder la marche des Elbois, et même avec un peu de volonté, de l'attaquer. Plus facile à dire qu'à faire..

 

Pressentant le danger d'être pris en tenaille entre ces troupes à sa poursuite, et la garnison de Grenoble au nord qui n'allait pas manquer de descendre lui couper la route, Napoléon envoie Cambronne avec ses chasseurs de la vieille garde et un peloton de chevau-Iégers polonais, occuper La Mure pour parer à toute éventualité. Pierre Cambronne, qui n'a peur de rien, a pour mot d'ordre «Avancer sur l'avant ! » et il est à La Mure à minuit. Surprise, son adjudant-major Laborde qui doit faire le logement pour l'avant-garde, rencontre un autre adjudant major du 5° de ligne qui arrivait lui de Grenoble pour s'occuper du logement de son propre bataillon. Laborde l'interpelle

 

 

Je vois que nous portons une cocarde différente, mais dis-moi avec la franchise d'un soldat, sommes-nous amis ou ennemis ?
Deux vieux compagnons d'armes seront toujours amis ! répond l'adjudant-major en lui serrant la main.
Alors faisons le logement ensemble !

Sur une des façades de cette rue, d’intéressantes sculptures moyenâgeuses. La première sculpture représenterait un moine, l’autre un sanglier ou un bélier. Il y en a une troisième qui représente un frère lal (frère servant qui n’est pont destiné aux ordres sacrés). Il s’agirait d’une demeure de religieux.

L'adjudant du 5° de ligne accepte la proposition, puis s'esquive pour aller informer son Chef de bataillon. De son côté Laborde rapporte l'incident à Cambronne, qui apprend en même temps qu'une troupe d'infanterie, avec une compagnie du génie, se met en position à 500 m de La Mure, sur une hauteur appelée la Pontine. Cambronne envoie un de ses officiers pactiser avec ce chef de bataillon nommé Lessart, ancien de la garde impériale, qui refuse de recevoir l'émissaire. Cambronne y va lui-même, mais une sentinelle lui intime l'ordre de s'éloigner ou «Je fais feu !» Le général revient à La Mure et poste un piquet de garde à l'entrée du village et au lieu de loger ses hommes les fait bivouaquer sur la place de l'hôpital. Il va souper à l'auberge, quand un paysan l'avertit que le 5° de ligne se met en mouvement pour tourner La Mure et se porter au pont du Pont-Haut, sur la route de Corps, et le faire sauter.

L'occupation de Pont-Haut, pont haut sur la rivière la Bonne très encaissée à cet endroit, aurait coupé l'avant-garde de Cambronne du gros de la colonne. Remettant son souper au lendemain, Cambronne rétrograde avec sa petite troupe pour protéger le pont et envoie une estafette prévenir l'Empereur de l'attitude du 5° de ligne. Le maire de La Mure, M. Genevois vient dire tout haut au chef de bataillon Lessart, de façon à être entendu par la troupe, qu'il est absurde de détruire le pont puisqu'il y a un gué plus loin, et que la perte du pont porterait un grave préjudice au commerce de la commune. Devant ces paroles de bon sens, approuvées par les sapeurs du génie qui cherchaient un prétexte pour ne pas obéir, Lessart décide lui aussi de rétrograder et s'en va bivouaquer à Laffrey. Cette nuit-là, La Mure où s'était rencontré les deux avant-gardes, se trouve évacuée et devient un «no man's land». Mais demain

 

Napoléon est à Corps. C'est à 40 km de Gap et 60 de Grenoble. Demain est donc le jour décisif, car comme il le dit dans le Mémorial: «La France était pour moi dans Grenoble

 

 

 

CORPS – LA MURE - GRENOBLE – MARDI 7 MARS

 

 

 « Le 7 mars 1815, le jour le plus long »

 

Pour ce jour décisif, Napoléon quitte Corps à 6 heures du matin, avec son état-major et un peloton de chevau-légers polonais, laissant 10 troupes manger 10 soupes à Corps. Depuis la fenêtre de sa chambre, va-t-il admiré l'Obiou qui culmine à 2.789 mètres ? Certainement. Par contre il n'a pu profiter de la vue sur le lac du Sautet qui n'existe que depuis 1935. Merci E.D.F !...Ils quittent Corps par la route de l'époque qui, après l'ancien hôpital, passe par la terre du Coin pour rejoindre Saint-Brême, village maintenant englouti sous le lac, puis Quet-en-Beaumont et La Salle.

Une ancienne publicité à La Salle-en-Beaumont
Une ancienne publicité à La Salle-en-Beaumont

A la même heure, à Vienne, ce mardi 7 mars, un courrier porteur d'une dépêche urgente arrive chez Metternich. Le ministre peut lire sur l'enveloppe: «du Consulat général impérial et royal à Gênes.» Elle ne contient que six lignes: «Le commissaire anglais Campbell vient d'entrer dans le port pour s'informer si personne n'avait vu Napoléon à Gênes, après sa disparition de l‘île d'Elbe. La réponse étant négative, la frégate anglaise a repris 10 mer sans tarder.


Le prince Metternich saute de son lit. A 8 heures il est chez l'empereur François, à 8 heures 15, chez le tsar Alexandre, à 8 heures 30 chez le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. A 9 heures, rentré chez lui, il convoque pour 10 heures les ministres des Quatre Puissances dans son bureau.


- Maintenant qu'il s'est échappé, il faut le pendre !
- Avant de le pendre, il faut le prendre...


Marie-Louise apprendra la nouvelle par Neipperg au cours d'une promenade. Elle ne montra aucune émotion.

 

 

La Mure

 

Cœur du Dauphiné

On prend le temps d’une halte à La Mure peut-être un peu plus longue que celle de l’Empereur…

 

Napoléon et Sa troupe retrouvent le général Cambronne à Pont-Haut, et arrivent à La Mure à 8 heures où ils font une halte sur la colline du Calvaire. Plus de mille personnes suivent acclamant l'Empereur. Un piquet de chasseurs les maintiennent en cercle autour d'un bivouac improvisé. Pendant cette halte, Napoléon s'entretient avec le maire M. Pierre-Noé Genevois, et ses conseillers municipaux. M. Genevois aîné, sera récompensé d'avoir évité de faire sauter le pont de Pont-Haut, il sera sous-préfet pendant les Cent Jours, donc le premier et le dernier sous-préfet de La Mure.

 

Il fait chaud, et un caporal apporte un seau de vin pour les hommes du piquet. Napoléon fait un signe au caporal et dans le même verre que les soldats, boit à son tour, ce qui fait frémir de plaisir ces vieilles moustaches !

 

A 11 heures, on se remet en route, les Polonais en tête, les chasseurs de la vieille garde ensuite, les uns à pied, les autres en charrettes offertes par les habitants, enfin l'Empereur en calèche, son cheval mené en main. Le gros de la colonne venant de Corps n'a pas encore rallié.

 

De son passage, Napoléon aurait laissé une malle en bronze exposée au Musée Matheysin. Mais lorsque nous arrivons devant la porte, il est fermé (aucune explication sur la porte, nous sommes pourtant en plein mois de juillet ! même la boulangère en face des Halles ne comprends pas).

 

Pierre-Châtel

 

A 1 heure de l'après-midi, on est à Pierre Châtel, 161 habitants en 1815. Le maire est Jean-Baptiste Troussier, et parmi toute la population accourue, une fillette de 12 ans, Séraphique Troussier, vient offrir à l'Empereur un bouquet de violettes. Cette petite Séraphique se souviendra toute sa vie (elle mourra à 97 ans) de ce baiser mémorable de Napoléon.

 

 

Laffrey

 

Pays des lacs.

On longe le lac de Pierre-Châtel, puis celui de Petichet et l'on arrive maintenant au grand lac de Laffrey. Le plateau se resserre entre les collines et les lacs. Soudain, les lanciers polonais à bride abattue reviennent vers les chasseurs qui aussitôt sautent de leurs charrettes et chargent leurs fusils. L'Empereur descend de calèche et monte à cheval, puis dépassant les chasseurs pousse vers Laffrey avec les lanciers. Après un temps de galop, ils s'arrêtent: une troupe d'infanterie est rangée en bataille en avant du village.

 

C'est le bataillon de Lessart qui, pris de scrupules de n'avoir pas fait sauter le pont de Ponthaut dans la nuit, occupe le défilé. Cet infortuné chef de bataillon a troublé les historiens de cette fameuse rencontre de Laffrey: il se nomme suivant les ouvrages Lessart ou Lessard avec un d, ou devenu noble, de Lessard, ou encore Delessart ...

 

 

Lessart, donc, a envoyé un courrier à Grenoble au général Marchand et attendant une réponse, il espère retarder les rebelles. A midi, arrive un aide de camp, le capitaine Randon, officier de 19 ans qui n'est autre que le neveu de Marchand. Parti de Grenoble avant que la dépêche arrive, Randon n'a aucun ordre nouveau, mais, jeune et bouillant, assure «qu'il n'y a pas de doute, Bonaparte, il faudra tirer dessus.» Le capitaine Jacques Randon de St Marul, né à Grenoble en 1793, engagé à 16 ans a fait la campagne de Russie et, lieutenant en 1813, la campagne d'Allemagne, ce jeune capitaine deviendra maréchal et ministre de la guerre pendant le Second Empire, gouverneur de l'Algérie, pour finir à Genève en 1871.

Il reste avec Lessart qui établit son bataillon en avant du village, les voltigeurs déployés en première ligne. Le commandant Lessart reconnaît Napoléon à sa redingote grise et le voit descendre de cheval et marcher de long en large sur la route, puis observer le bataillon à la lunette. Un grand nombre de paysans l'avaient suivi, et certains approchent des voltigeurs avec des proclamations. Mais les soldats restent fixes à leur rang. Lessart intervient pour chasser les paysans. L'Empereur, à ce moment, lui envoie pour parlementer le général Bertrand qui a reconnu Lessart avec qui il a combattu en Egypte où il avait été décoré par Napoléon. Lessart reste inflexible :

«La France est maintenant au roi. Je ferai feu sur ses ennemis qui s'avanceraient sur mon bataillon
«Mais si l'Empereur se présente lui-même à vous, que feriez-vous ? Auriez-vous le courage de tirer sur lui ?» crie le général Bertrand.
«Je ferai mon devoir !» répond le chef de bataillon.


Et comme le comte Bertrand s'avance pour parler aux voltigeurs, Lessart met la main sur la garde de son épée.


Le capitaine d'artillerie Raoul, aide de camp de l'Empereur, arrive alors à cheval jusqu'au front du bataillon et crie :

- L'Empereur va marcher vers vous. Si vous faites feu, le premier coup de fusil sera pour lui. Vous en répondrez devant la France ! »

Alors, l'Empereur ordonne au colonel Mallet qui commande les grognards de faire mettre à ses hommes l'arme sous le bras gauche. Le colonel objecte qu'il a danger à se présenter désarmé devant une troupe qui n'hésitera pas à tirer et dont la première décharge serait meurtrière. Napoléon crie: «Mallet, faites ce que je vous dis !» et seul sortant de la ligne de ses vieux chasseurs il marche vers le 5° de ligne.

«Le voilà !... Feu ! s'écrie Randon. Feu !»

A portée de pistolet, Napoléon s'arrête :
«Soldats du 5°, dit-il d'une voix forte et calme, je suis votre empereur. Reconnaissez-moi ! »
et avançant encore de deux ou trois pas, il entrouvre sa redingote ;

«S'il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son empereur, me voilà ! »

«Feu ! » crie le capitaine Randon...

«Vive l'Empereur ! Vive l'empereur ! Vive l'empereur !»

 

Un cri si longtemps comprimé jaillit de toutes les poitrines. Les rangs sont rompus, les cocardes blanches volent en l'air, des cocardes tricolores sortent des coiffures, les shakos s'agitent à la pointe des baïonnettes, les soldats se précipitent vers l'empereur, l'acclament, le touchent. Le chef de bataillon Lessart désespéré et ému remet en larmes son épée à Napoléon qui l'embrasse pour le consoler. Randon pique des deux et s'enfuit vers Grenoble. Stendhal a relaté cet épisode chargé de drames et d'émotions dans «Mémoires d'un Touriste» et dans sa «Vie de Napoléon». N'oublions pas que Stendhal est né à Grenoble en 1783, dans la rue des Vieux Jésuites, aujourd'hui rue Jean-Jacques Rousseau (plaque commémorative au-dessus de la porte). Lieutenant de Dragon sous l'empire, il fera la campagne de Russie en 1812, en qualité d'intendant.

 

L'Empereur reste calme et tranquille. «Sa physionomie reflète la satisfaction, mais il est impossible d'y percevoir le moindre sentiment d'inquiétude ou d'émotion.» relate le Courrier de l'Isère du 30 avril 1839... Les soldats ayant repris leurs rangs, il leur dit :

- Soldats ! je viens à vous avec une poignée de braves gens, parce que je compte sur le peuple et sur vous. Le trône des Bourbons est illégitime puisqu'il n'a pas été élevé par la nation. Vos pères sont menacés du retour des dîmes et des droits féodaux... N'est-il pas vrai citoyens ? »

-Oui ! Oui ! » crient les paysans de Laffrey, de Pierre-Châtel, de La Mure, de Mens, et des villages voisins, que la curiosité et leur sympathie pour Napoléon ont ramenés sur le terrain.

 

La statue de bronze érigée sur « la prairie de la rencontre » commémore l’épisode.

 

Cette statue se trouvait sur la Place d'Armes, aujourd'hui Place Verdun, à Grenoble. Après la défaite de Sedan en 1870, détériorée, elle est mise au placard au dépôt des marbres, jusqu'au jour où Paris et Grenoble se disputent pour la posséder. Paris la voulait pour l'entrée des Invalides et finalement Grenoble, grâce à la ténacité de Marcel Deléon en 1929, obtint de la faire ériger au centre de la «Prairie de la Rencontre» là où Stendhal avait planté un saule... Elle sera inaugurée officiellement une seconde fois le 31 Août 1930.

 

Vizille

 

Le Berceau de la Révolution française, avant-dernière étape.

Le Domaine de Vizille : Un château, une révolution… les signes forts d’un siècle fou !

Le Château du Duc de Lesdiguières, de style Renaissance, construit au XVIIème siècle, est le plus grand château du Dauphiné.

Les Etats du Dauphiné s’y sont réunis le 21 juillet 1788 dans la salle du jeu de paume. Cette assemblée marque le début de la Révolution. .

 

Classé monument historique, le château de Vizille devient propriété de l’état en 1924. Il fut aussi la résidence d'été des Présidents de la République. Gaston Doumergue, Albert Lebrun, Vincent Auriol y séjournèrent quelques jours. René Coty, le plus fidèle, est venu à Vizille à six reprises entre 1953 et 1958. Hôte d'un soir en 1960, le général de Gaulle est le dernier président de la République venu au château.
Depuis 1984, propriété du Conseil Général de l’Isère, il abrite le Musée de la Révolution française, seul musée Français spécifiquement consacré à cette période de l’histoire.

Le parc du Domaine de Vizille, d’une centaine d’hectares, est une pure merveille.

 

Entrée gratuite pour le parc et le musée.

A Vizille, c'est jour de marché et depuis midi on est en alerte. La foule est grande, bientôt on voit à flanc de colline des cavaliers dévaler et les shakos et les chapskas s'agiter de l'autre côté du pont sur la Romanche. Le maire M. François Boulon et ses adjoints, dans la traversée de la ville, accompagnent Napoléon qui s'informe des besoins de la commune et fait remettre une somme d'argent pour l'hôpital. Il passe sous les hauts murs de la belle demeure du connétable de Lesdiguières, le «vieux renard du Dauphiné», qui sera maréchal du bon roi Henri IV, en 1609.

Pendant ce temps, Grenoble est dans la plus vive agitation. Vers midi le 4° de hussards venant de Vienne et le 7° de ligne commandé par le colonel Charles de La Bédoyère et le 11° du colonel Durand venant tous deux de Chambéry, entrent en viIle. Marchand compte peu sur les hussards qui avaient crié «Vive l'Empereur » l'an dernier lors d'une revue du comte d'Artois. Par contre il est sûr de La Bédoyère un des meilleurs colonels, qui, à 28 ans, a déjà été proposé au grade de général pendant la campagne de France en 1814. De plus il est noble, il a épousé à la fin de 1813 Mlle de Chastellux, brillante famille. D'abord rallié sincèrement aux Bourbons, il avait senti son royalisme décroître, et la politique vexatoire du ministère l'avait rangé dans le rang des mécontents, et fréquenté les salons d'opposition souhaitant tout haut le retour de l'empereur. Il avait alors été éloigné en semi-disgrâce à Chambéry. Le colonel Durand, lui a 42 ans; il a fait la Vendée, St Domingue, l'Allemagne, la Pologne, l'Espagne. Il est Grenoblois, et après la revue, il invite les officiers chez lui rue Jean-Jacques Rousseau.

Retenu dans une réunion par le général Marchand, La Bédoyère arrive le dernier. A son entrée dans le salon des Durand, les officiers le pressent de questions, pensant qu'il apporte une nouvelle: «Eh bien ! Oui, leur dit-il, c'est chose faite, L'Europe ne veut plus des Bourbons, l'Impératrice passe le Mont Cenis avec 40.000 hommes pour rétablir l'empire.» En entendant ces mots, le colonel Durand, qui était devant sa cheminée s'élance vers La Bédoyère et d'une voix forte; «Et quand cela serait, n'avons-nous pas nos serments ? » Stupéfaction dans le salon. Mme Durand déteste les Bourbons et admire Napoléon. Elle sait que son mari partage au fond de lui les mêmes sentiments. La Bédoyère sans un regard pour Durand qui tente de le retenir sort disant: «Vous avez le temps, les ordres sont pour 3 heures... »

La Bédoyère se rend aux remparts où est posté son régiment. Il est 2 heures. Il ne s'est pas passé une demi-heure qu'on entend battre la générale. Dans le salon, les officiers se précipitent sur leurs armes. Mme Durand leur demande s'iIs oseront se battre contre l'Empereur, mais son mari coupe court, ajustant son uniforme pour se contenir: «Allons ! N'écoutez pas les femmes: il faut me suivre...»

A la porte de Bonne, ils rencontrent le général Marchand en fureur. Il vient de voir La Bédoyère arracher sous ses yeux le plumet blanc de son bicorne et de la remplacer par un plumet rouge, tirer son épée en criant: «Grenadiers, soldats, voltigeurs du 7°, à moi ! à moi ! qui m'aime me suive, je vais vous montrer notre chemin !» Les tambours battent la charge, les compagnies crient «Le 7° à la porte de Bonne !» et tout le régiment, aux cris de «Vive l'Empereur ! » s'engouffre sous la voûte comme un torrent. A 300 mètres des dernières maisons, à portée de fusils des remparts, La Bédoyère commande: «Halte ! Formez les carrés ! Présentez armes !» et il fait percer un tambour d'où s'échappent un flot de cocardes tricolores, puis tire d'on ne sait où l'ancien aigle du régiment qu'il fixe sur une branche.

Pour colmater le vide laissé par la défection du 7°, le colonel Durand élargit les rangs de son régiment, mais les plus jeunes s'élancent pour rejoindre ceux du 7°, aussi Marchand fait fermer les portes. Le capitaine Randon arrive à ce moment, épuisé. Il raconte ce qui s’est passé à Laffrey. Il a croisé le 7° régiment de La Bédoyère, rayonnant, certains hommes, le prenant pour une estafette de Napoléon, le saluant par des «Vive l'Empereur !» Poursuivi par des lanciers de Jermanowski, à tombeau ouvert, il avait dévalé la fameuse route et échappé de justesse grâce à un raccourci, le «tracoulet» qu'il avait pris à la sortie de Vizille.

 

Eybens

 

Pour suivre les grognards nous devons nous écarter de la RN 85, et prendre la D5 par Eybens, qui est la vieille route de Grenoble, par le plateau de Brié-et-Angonnes, puis Tavernolles et Eybens qui est déjà la banlieue de Grenoble.

 

L’empereur monte vers Eybens et sur le plateau de Brié-et-Angonnes rencontre le régiment de La Bédoyère.Le colonel ne quittera plus l'empereur qui en fait son aide de camp. A Waterloo, il sera l'un des derniers à quitter le champ de bataille. Après la seconde abdication, il envisage de s'exiler en Amérique. Revenant, clandestin, une dernière fois embrasser sa femme et son jeune fils, il est démasqué par un policier, emprisonner et jugé. Le juge, en se servant des cocardes sorties du tambour, fera admettre la préméditation, et Charles de La Bédoyère sera condamné à mort et sera fusillé le 19 Août, plaine de Grenelle.

C'est maintenant une forte troupe qui marche sur Grenoble. Le 5° de Delessart, le 7° de La Bédoyère et les chasseurs de Laborde mêlés, entourés d'une foule de plus en plus dense. A Tavernolles, l'Empereur s'arrête dans une auberge dont l'enseigne «Aux Trois Fleurs de Lys» le fait sourire. C'est la fin de l'après-midi et depuis ce matin que d'émotions ! La tenancière, la «Mère Viguier» lui prépare une bonne omelette campagnarde, arrosée d'un pichet de vin. Dernière halte avant la capitale du Dauphiné, Eybens, où Napoléon descend à l'auberge Ravanat, pendant que l'état-major va en reconnaissance jusqu'aux portes de Grenoble.

Il est 7 heures du soir et le général Marchand entend de véritables hurlements de la fenêtre de son hôtel qui domine les remparts: face à la Porte de Bonne, plus de 2.000 paysans armés de fourches et de vieux fusils, portant des torches entourant l'avant-garde de Napoléon. Et tout ce monde criant «Vive l'empereur ! » Et depuis les remparts, les canonniers répondant par des «Vive l'empereur !»

 

«Sont-elles bonnes vos prunes ?» demandent les chasseurs aux canonniers.

 

L'officier d'ordonnance Raoul, avec deux lanciers, s'approche de la porte et crie; «Ouvrez ! Au nom de l'Empereur ! » Le colonel Roussille responsable de la porte de Bonne, fait avertir Marchand qui réplique :
«Dites au colonel de répondre par des coups de fusils !» et il part rejoindre les remparts. Il y a là 2.000 hommes armés et 20 pièces de canons. Il suffit d'un seul coup de fusil pour disperser les assaillants, mais le général Marchand à beau crier, les soldats en riant répondent par des «Vive l'Empereur ! ». Des royalistes essaient de gagner les canonniers en apportant des saucissons et du vin et les canonniers mangent le saucisson et boivent le vin à la santé de l'Empereur !

Le général Marchand s'adresse à un lieutenant d'artillerie réputé royaliste :

- M. de saint Genis ! Si les hommes ne veulent point tirer, les officiers ne tireront ils pas ?

- Mon général, nous serions hachés sur les pièces, nos canonniers nous ont prévenus !

 

Pendant ce temps, Napoléon est à Eybens à l'auberge Ravanat, où il prend un bain de pieds. En effet, la Mère Simiand, comme elle l'aurait fait pour son mari au retour d'une journée de travail, a préparé un bon chaudron d'eau chaude et du linge. Napoléon accepte de bonne grâce. Après tant de fatigues, parti depuis Corps à 6 heures du matin, même pour des pieds d'Empereur, ça doit être agréable.

 

 

Brié et Angonnes

 

Poumon vert de l’agglomération grenobloise

 

 

 Tavernolles

En arrivant à Grenoble, dernière étape de son périple, Napoléon s'exclama :

« Jusqu'à Grenoble, j'étais un aventurier, ensuite j'étais un Prince »

 

 

 

GRENOBLE - MERCREDI 8 ET JEUDI 9 MARS

 

 

La cité natale de Stendhal conjugue également parfaitement la fameuse maxime de l’écrivain « A Grenoble, au bout de chaque rue on découvre une montagne » !

Mais il est temps d'en finir, l'Empereur accompagné de La Bédoyère, rejoint la porte de Bonne, en se frayant un passage à travers la foule :

- Je vous ordonne d'ouvrir !

- Je ne reçois d'ordre que du général ! s'écrie le colonel Roussille

- Je le destitue !

- Je connais mon devoir, je n'obéirai qu'au général !

- Arrachez-Iui ses épaulettes crie La Bédoyère aux soldats.

 

Le tumulte est au comble. Le général Marchand qui a les clefs de la porte est rentré dans son hôtel et se prépare à quitter Grenoble. Les charrons de faubourg St Joseph apportent un lourd madrier et vont bientôt faire sauter les portes. Marchand avertit en hâte ses chefs de corps et en direction de Chambéry, passe la porte St Laurent avec le colonel Durand la mort dans l'âme car il laisse sa jeune femme, et 2 à 300 hommes qu'on a réussi à rassembler. En partant, Marchand donne les clefs au commandant Bourgade qui les porte au colonel Roussille qui enfin ouvre les portes toutes prêtes à éclater. A une heure du matin cette petite troupe s'arrête à saint-Ismier où Marchand a une maison de campagne pour y dormir. Il ne «donne plus aucun ordre». Le colonel Durand pousse jusqu'à Biviers chez son beau-père, où sa femme viendra le rejoindre le lendemain après avoir assisté à la revue passée par l'empereur...

La résistance a duré deux heures, Le docteur Emery est sorti de son armoire et avec son ami Dumoulin, ils rejoignent un groupe de notables «agents de la première heure», les docteurs Renaud et Fournier, Champollion-Figeac, professeur à la faculté de lettres, frère de l'égyptologue, et d'autres comme le colonel Gauthier maître de la Loge maçonnique du Grand Orient de France. Ils sont nombreux dans l'armée ces officiers en disgrâce, limogés ou déplacés à rechercher dans la franc-maçonnerie une carrière de remplacement ou simplement de la fraternité. Le rôle joué par la loge tout au long de cette Route Napoléon est encore assez mystérieux. Napoléon n'est pas franc-maçon, mais ses frères et un grand nombre de ses anciens officiers le sont, qui auraient pu l'aider.

 

La résistance a duré deux heures, Le docteur Emery est sorti de son armoire et avec son ami Dumoulin, ils rejoignent un groupe de notables «agents de la première heure», les docteurs Renaud et Fournier, Champollion-Figeac, professeur à la faculté de lettres, frère de l'égyptologue, et d'autres comme le colonel Gauthier maître de la Loge maçonnique du Grand Orient de France. Ils sont nombreux dans l'armée ces officiers en disgrâce, limogés ou déplacés à rechercher dans la franc-maçonnerie une carrière de remplacement ou simplement de la fraternité. Le rôle joué par la loge tout au long de cette Route Napoléon est encore assez mystérieux. Napoléon n'est pas franc-maçon, mais ses frères et un grand nombre de ses anciens officiers le sont, qui auraient pu l'aider.

 

Porté en triomphe Napoléon rentre dans Grenoble à 11 heures du soir. Il refuse d'aller à la préfecture désertée par M. Fourrier, et descend à l'auberge des «Trois Dauphins».  En 1791, le lieutenant d'artillerie Buonaparte, en garnison à Valence, passait à Grenoble et logeait dans cet hôtel, un des plus anciens de la ville dont l'enseigne existait déjà en 1412 !

 

« Lorsque les habitants vinrent au bruit des fanfares déposer sous le balcon de l’Hôtel des Trois Dauphins les débris de la porte de Bonne, qu’ils avaient chargé sur leur épaule : Napoléon, s’écrièrent-ils, nous n’avons pu t’offrir les clefs de la bonne ville de Grenoble; mais en revanche voilà les portes ».

L'auberge des trois dauphins : du 7 au 9 mars 1815, Napoléon loge au 1er étage de l'auberge des trois dauphins (actuel café Jules Verne) qui se trouve à coté de l'actuelle Auberge Napoléon. Trois moulures de dauphins se trouvent encore sur la façade.

Plus tard, Stendhal viendra y séjourner et écrira dans ses mémoires: «Je loge rue Montorge chez Blanc, dans la chambre n°2 qu'occupa Napoléon à son retour de I'île d'Elbe». En 1815, les «Trois Dauphins» sont à la famille Labarre. Toussaint Labarre le propriétaire n'est autre qu'un ancien artilleur des campagnes d'Italie et d'Egypte...


Napoléon va y passer deux nuits et y recevoir tous les artisans de son entrée dans la ville: Jean Dumoulin devient officier d'ordonnance et reçoit la légion d'Honneur, et Champollion-Figeac, secrétaire particulier.

 

En six jours, les soldats ont marché plus de 300 km et dans quelles conditions ! Dans la matinée, les derniers retardataires rejoignent peu à peu par petits groupes, l'uniforme couleur poussière. On s'empresse, on les réconforte et on se les dispute pour les inviter chez soi, à la table de famille. Bientôt ragaillardie, ces vieux grognards de la vieille garde se trouveront dans l'après-midi pour une revue solennelle sur la Place de Grenette. De part et d'autre de leur impressionnant carré, les deux régiments où s'est reformée la garnison de la ville, plus une troupe hétéroclite de militaires en demi-solde de tous grades de toutes armes, aux uniformes fripés sortis des armoires qui forment un bataillon qui vient de naître à Grenoble: «Le Bataillon de la violette».

 

La place Grenette : Sur cette place ont bivouaqué les 150 soldats qui ont suivi Napoléon dans sa reconquête du pouvoir.

 

Les rues avoisinantes sont envahies par une cohue de spectateurs. Les fenêtres, les balcons, les bords des toits, tout est pris d'assaut pour voir la première revue. Les tambours battent «Aux champs», et au centre d'un groupe d'officiers empanachés, de la rue Montorge débouche Napoléon redingote grise, petit chapeau, chevauchant Tauris. Suivi des lanciers du colonel Jermanowski, rutilant, sabre au clair et tunique au vent. Une ovation formidable couvre les carillons de la collégiale St André. Il est trois heures, cette revue va durer quatre heures. Napoléon passe devant chacun, dialoguant à brûle-pourpoint avec un soldat reconnu tout à coup entre mille. Pour l'Empereur, le triomphe se renouvelle à chaque pas. Grandiose par un élan patriotique rarement atteint, familière par ces manifestations d'attachement à l'armée, cette revue enchantera les Grenoblois.


Le matin déjà, à l'auberge des «Trois dauphins» Napoléon avait surpris les autorités municipales, judiciaires, religieuses et l'académie, qu'il avait reçu en audience à tour de rôle. Tous sont curieux et admiratifs, le félicitent de le voir revenir pour relever les principes de la Révolution, et tout en protestant de leur dévouement, lui font sentir qu'il fallait se préparer à un règne différent du précédent. Devant ce nouveau langage, éloigné de l'humble soumission d'autrefois, Napoléon ne témoigne aucune gêne ni mécontentement. Tranquille et serein dans son nouveau rôle, il dit à tous qu'il a passé dix mois à réfléchir et à en tirer des leçons, que les outrages au lieu de l'irriter l'avaient instruit:


«Pendant mon absence, on m'a couvert d'injures, on m'a appelé tyran et on m'a donné les noms les plus ignominieux. Pourquoi m'obéissiez-vous donc si j'étais un brigand ? Pourquoi observiez-vous les lois que je vous ai données de votre consentement ? Pourquoi acceptiez-vous les places ? Je ne puis supporter qu'on avilisse une nation généreuse qui a partagées mes destinées. Je n'aurais jamais quitté mon île si j'avais cru que la France pût être heureuse. Mais, dès que j'ai vu Louis XVIII dater «l'an vingt et unième de mon règne», j'ai dit il est perdu: il fallait qu'il se dégageât de ses vieilles idées, qu'il s'assit sur le trône que je quittais sans faire de changements, qu'il s'intitulât Louis 1er, datant de l'an l de son règne. Mais pour cela il fallait du courage, de la grandeur et beaucoup d'énergie ! Quand j'ai vu cela, je me suis décidé à revenir en France, sauver ce bon peuple qui ne mérite pas qu'on l'humilie. Ce n'est pas pour moi, j'ai assez de gloire ! Que me faut-il d'ailleurs ? Je mange peu, je dors peu, je n'ai pas de plaisir ...Ce n'est que pour cette grande nation !»


Le récit de ces visites officielles est rapporté par le maire. M. Renauldon et plusieurs magistrats dont M. Berriat Saint Prix. Puis l'empereur va leur parler de son fils pour qui «il va travailler désormais, qu'il venait pour préparer son règne, le lui ménager digne et tranquille».

 

«A Cannes, j'étais un aventurier, à Grenoble j'étais un prince» dit Napoléon dans le Mémorial. Le Jeudi 9 mars, sur le petit guéridon de sa chambre à l'auberge des «Trois Dauphins», vont être signés les premiers décrets impériaux «Par la grâce de Dieu et des Constitutions de l'Empire» il est redevenu «Empereur des français». Il légifère, nommant M. Claude Colaud de la Salcette préfet de l'Isère, destituant M. Harmand le préfet de Gap qui avait déserté, rappelant M. Fourrier, pour être préfet à Lyon. Le frère du nouveau préfet, Jean-Jacques Colaud commande la 7° division militaire à la place du général Marchand.

 


Surtout, il expédie Dumoulin à Turin avec une lettre pour sa femme Marie-Louise qu'il doit remettre au général autrichien Bubna que Napoléon connaît bien et avec qui il avait sympathisé quand l'Autriche était alliée de l'empire. Dans cette lettre, il lui annonce qu'il est bientôt maître de la France et qu'il l'attend à Paris avec son fils, pour le 20 mars jour de l'anniversaire de leur petit Napoléon...L'Impératrice ne quittera pas les bras de Neipperg, et par son attitude changera la face du monde. En effet, Napoléon, si son épouse l'avait rejoint, avait une solution politique : abdiquer en faveur de son fils Napoléon II et avec Marie-Louise comme régente, il obtenait l'aide de son beau-père l'Empereur d'Autriche. Il pouvait faire l'économie de Waterloo. On sait ce qu'il advint...

A l'auberge des «Trois Dauphins» Napoléon reçoit encore la générale Marchand, qui vient justifier la conduite de son mari. Un visiteur est annoncé : le général Chabert, général d'opposition qui avait crié «au dictateur» au coup d'état du 18 Brumaire et avait été jugé et dégradé après une défaite en Espagne.

- Bonjour général. Vous avez beaucoup souffert !
- Oui, Sire, vous m'avez traité de manière cruelle et bien injuste.
- Désormais, je ne vous ferai plus que du bien.
- Vous avez alors beaucoup de bien à me faire.
- Voulez-vous me servir ?
- Je suis et je serai toujours prêt à servir mon pays.


Le général Chabert sera nommé au commandement des Hautes-Alpes. Quand Napoléon apprendra qu'il a rallié sur les hauteurs de Gap, les troupes royalistes des généraux Gardanne et Miollis, il le fera baron.

Dans l'après-midi du 9 Mars une partie des troupes se met en marche sur Lyon par la porte de France, après avoir franchi l'Isère. Cette porte existe toujours, elle abrite le monument aux morts de la guerre 1418. La route, près du jardin des Dauphins, montait à l'époque à flanc de coteau avant de traverser saint martin le Vinoux, en direction de Voreppe, Rives et Bourgoin-Jallieu. Le Bataillon de la Violette traîne à ses côtés des grappes d'amis de parents pour «assurer le retour du Père de la Patrie».
«Quinze jours après le séjour de l'Empereur à Grenoble, cent Grenoblois au moins étaient à Paris, sollicitant et répétant partout que c'étaient eux qui avaient mis l'Empereur sur le trône», Stendhal, Mémoires d'un touriste.

Toute une armée, les 5°, 7°, 11° régiments de ligne, le 4° d'artillerie, le 3° du génie, un train d'équipages, un parc d'artillerie, en tout 7.000 hommes menés par le 4° de Hussards en tenue étincelante bleu et rouge.

Pendant ce temps à Paris circulent des journaux annonçant que Buonaparte a été fait prisonnier à Grenoble, espérant que la nouvelle serait confirmée le lendemain... Les gros titres successifs de la presse parisienne sont à savourer :

L'ogre de Corse a débarqué à Golf Jouan !

Le cannibale marche sur Grasse !

L'usurpateur est entré dans Grenoble.

Napoléon marche sur Fontainebleau

Sa Majesté est attendue demain à Paris.

 

Passant la Porte de France, l'Empereur monte en calèche et prend la route de Rives où il dîne le soir, à l'hôtel de la Poste. Il arrive à Bourgoin à 1 heure du matin, à l'hôtel du Parc, où Cambronne a fait le logement...


Avant de partir, Napoléon fait cette déclaration :
«Dauphinois, sur le point de quitter vos contrées pour me rendre dans ma bonne ville de Lyon, j'ai senti le besoin de vous exprimer toute l'estime que m'ont inspirée vos sentiments élevés. Mon coeur est tout plein des émotions que vous y avez fait naître, j'en conserverai toujours le souvenir. Napoléon

 


Il ne faut surtout pas se méprendre sur l'importance de la Route Napoléon. Cette épopée est d'abord un révélateur de la situation que découvre l'Empereur après onze mois de repos forcé dans I'île d'Elbe. Il en avait ressenti les prémices lors de la campagne de France et durant les négociations lors de la première abdication de Fontainebleau en 1814. Il se trouve confronté à deux France, celle du peuple qui l'ovationne sur le trajet, tout en criant des propos dignes de 89, des «Vive l'Empereur !» , suivis de «A bas la calotte ! Les aristos à la lanterne ! » et celle des notables, bourgeois enrichis par la vente des biens nationaux et qui veulent la tranquillité pour en profiter.

Les deux l'agacent fortement, ayant toujours détesté les manifestations révolutionnaires autant que les manigances des dignitaires du régime, lui qui a dépassé tous les Hommes Illustres de Plutarque... Conclusion de la Révolution de 1789, la Route Napoléon annonce les Révolutions de 1830 et 1848... Napoléon découvre l'émergence du clivage gauche-droite, force lui est de constater que la fracture sociale s'est accrue, et qu'il n'est plus le catalyseur de la Nation. Pendant les Cent-Jours, il ne sera que l'ombre de lui-même, souvent ailleurs, perdu dans ses pensées, étonné par l'ampleur de son destin et paralysé par la chute de son étoile.

Mais ce qui prime à ses yeux c'est la révélation de la trahison de l'épouse et la perte de son fils, prisonnier à Vienne. Il les attendra à Lyon, retardant sa marche, il ne rentrera à Paris que le 20 Mars, jour anniversaire du petit roi de Rome. Plus tard, les négociations n'aboutiront pas entre Metternich et ses frères, Joseph et Lucien, tous deux en Suisse essayant de détacher l'Empereur d'Autriche de la coalition en faisant du couronnement de son petit-fils l'enjeu de la combinaison. Napoléon fait alors courir le général Grouchy sus au duc d'Angoulême, dernier dauphin de France, fils du futur Charles X. Le duc d'Angoulême organise la résistance royaliste dans le Midi. Grouchy, désigné au commandement de Lyon, reçoit l'ordre de l'enlever pour qu'il serve de monnaie d'échange pour forcer Marie-Louise à rejoindre. Grouchy, pas encore maréchal, arrivera déjà trop tard...


Le 8 mars, le général Adam Neipperg apprendra à l'Impératrice, au retour d'une promenade sentimentale, que Napoléon s'est évadé de l'île d'Elbe... La nouvelle s'étant répandu à schonbrunn, des domestiques français crient «Vive l'Empereur !». Neipperg menace de les pendre et les fait reconduire à la frontière. Le 12 mars, Marie-Louise, sous la dictée de son amant, écrit une lettre officielle à Metternich, se déclarant étrangère aux projets de son époux et se mettant sous la protection des Alliés...

 

Ah ! Marie-Louise, on aurait pu faire l'économie de Waterloo !